François Schuiten & Benoît Peeters, Les Cités Obscures – Souvenirs de l’Éternel Présent

François Schuiten & Benoît Peeters, Les Cités Obscures – Souvenirs de l’Éternel Présent

Aimé est le seul enfant, le dernier. Il se lève et part retrouver Monsieur Donze, son maître. Dehors, ne subsistent que les carcasses des machines d’autrefois. Il n’y a pas d’oiseaux, pas de fleurs. À Taxandria, les jours se suivent, tous pareils. Il n’y a plus de machines. Mais on trouve des tireurs et des pousseurs pour faire avancer des trams que personne ne prend. Aimé passe devant l’imprimerie où est édité un mince journal. Il y a si peu de choses à raconter.
C’est là qu’il va découvrir, à demi dissimulé, un ouvrage qui a pour titre : Taxandria – Histoire du Grand Cataclysme. Et ce qu’il va découvrir va l’amener à entreprendre une quête pour avoir des réponses. En effet, ce livre raconte les errements de ses ancêtres, des errements qui ont conduit à la situation catastrophique qu’il a sous les yeux…

La genèse de cet album est très particulière. Initialement, cette histoire devait être un film et non une bande-dessinée. C’est le cinéaste Raoul Servais, grande figure du cinéma d’animation, qui en est à l’origine. Il a travaillé avec René Magritte à la réalisation de peintures murales au casino de Knokke-le-Zoute, une fresque murale de 71,30 mètres de long sur 4,30 mètres de hauteur, intitulée Le Royaume enchanté. Dans sa carrière de pionnier, Raoul Servais a réalisé nombre de courts métrages. Il ambitionnait de faire un long métrage intégrant harmonieusement des acteurs à un univers graphique grâce à son procédé technique.
Au début des années 1970, il plante le cadre de Taxandria. Il y travaille pendant vingt ans pour matérialiser son rêve. C’est au printemps 1987 qu’il contacte François Schuiten pour que celui-ci mette en images le monde de Taxandria, un univers marqué par le fantastique et le surréalisme inspirés des œuvres de Magritte et Delvaux.
Trop de difficultés font capoter le projet. Or, les innombrables dessins réalisés ne pouvaient rester dans des tiroirs. Après un premier album embryonnaire paru en 1994 chez Arboris, les deux auteurs retravaillent le projet, s’inspirent d’une partie du scénario de Servais et finalisent cette version éditée en mars 2025.

Une pure merveille graphique avec une histoire qui tient plus du conte que du drame.
Ils intègrent des idées novatrices sur notre société et ses dérives. N’est-ce pas une forme de colonialisme avec cette duplication d’individus chargés d’aller vers d’autres peuples pour promouvoir un type d civilisation ?
Des planches sublimées, comme seul François Schuiten est capable de les réaliser, osant un trait réaliste pour des décors qui ne le sont pas. Il présente ces monuments gigantesques qui écrasent l’environnement avec une mise en couleurs tramant les teintes.

Un album remarquable, une nouvelle réussite, tant scénaristique que graphique, dans ces Cités Obscures qui n’en finissent pas d’éblouir.

François Schuiten (graphisme) & Benoît Peeters (scénario), Les Cités Obscures – Souvenirs de l’Éternel Présent, Casterman, mars 2025, 80 p. – 24,00 €.

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