Erri de Luca, La nature exposée

Erri de Luca, La nature exposée

Une approche plus générique du monde tel qu’il est ou tel qu’il devient

Sans pathos et de manière frontale, Erri de Luca propose de manière expressionniste une fable presque trop exemplaire même si le récit se partage entre une expérience humaine et artistique et l’évocation du monde urbain et paysan. Dans cette histoire un sculpteur s’identifie avec le nu d’un Christ crucifié, auquel il redonne vie en le « déculottant » de ce que la censure religieuse avait commis. Se calquant sur le mouvement du marbre, le héros redonne vie intégrale à la statue jusqu’à décalotter le sexe en un début d’érection du moins tel que le sculpteur a cru le repérer.
Nostalgie pour une part, vie de l’autre, tout est tourné dans une forme de constat tacite avec le réel tel qu’il est. La nudité de la statue renvoie à celle de la prose d’un roman sur la création et son souffle de vie. Erri De Luca y présente un artiste parfait car anonyme. Il ne se préoccupe pas des réputations sociales et opère au nom d’une nécessité plus forte que lui en touchant par ses gestes la dureté de la pierre comme sa douceur.

L’auteur souligne la « bonne » solitude nécessaire à une telle création qui s’éloigne de l’anecdote en un mouvement vers l’art absolu, le partage, l’humanité sublimée par une saisie transcendante de la matière. L’artiste la métamorphose, l’élève du simple religieux vers un caractère sacré de l’art qui peut toucher même ceux qui ne croient pas.
Par delà un hymne à la création, le livre se double d’une réflexion sur la nature et le destin des humains dans ce passage de la campagne à Naples où le héros est allé visiter des nus antiques pour achever son projet avant de retourner à l’œuvre de son village frontalier. Il aura appris plus dans son périple, autant d’un algérien carrier et d’une femme que du curé de ce village oublié. Dans ce lieu où l’Homo Capitalis est banni, la relation humaine quotidienne régit encore l’essentiel de véritables échanges humains.. Et le jeu entre ville et campagne, art et réalité provoque une approche plus générique du monde tel qu’il est ou tel qu’il devient.

jean-paul gavard-perret

Erri de Luca, La nature exposée, trad. de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, Paris, 2017, 176 p. – 16,50 €.

 

 

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