Danielle Thiéry, Mises à mort (Une enquête du commissaire Edwige Marion)
Une intrigue menée de main de maître
Danielle Thiéry n’a pas son pareil pour mettre en scène les tragédies familiales, les violences et déviances qui, maintenant que la chape de silence se désagrège un peu, ne se révèlent pas si exceptionnelles qu’on pouvait le supposer. Des homme sans scrupules, sans morale, violents qui terrorisent leur entourage, les femmes comme les hommes, ne sont pas si rares. Ils provoquent par leurs actes ignobles, leur tyrannie domestique, leur emprise sur leur environnement humain, des réactions en retour. Plus proches de la bête que de l’être humain, ils génèrent, selon les caractères qu’ils dominent, haine ou amour, révolte ou soumission. L’auteure utilise les trames de ces drames avec un art consommé.
Paul Demora se réveille péniblement dans un lieu inconnu avant de mourir sans comprendre comment et qui l’a tué.
C’est en revenant de sa course quotidienne de dix kilomètres qu’Edwige Marion aperçoit un attroupement autour d’un cadavre retiré de l’eau. Deux de ses collègues sont déjà sur place avec le médecin légiste. C’est le corps de Marie-Sola Lorca, disparue depuis plus d’un mois. D’après le témoignage d’une pocharde, elle serait tombée du balcon de son hôtel. Or, lorsque le personnel alerté arrive, il n’y a pas de corps. Cependant, le légiste, au vu du nombre et de la gravité des lésions, estime crédible une chute d’un troisième étage. Une femme de ménage, qui était de service le jour de la disparition, se manifeste après avoir vu la photo de Marie-Sola dans le journal. Elle se souvient qu’elle a lâché « Manolito » au téléphone et qu’elle a reçu la visite d’une fille menue, jolie, avec une longue chevelure claire.
Luna, une jeune femme poursuit un chemin sanglant avec un homme dont elle fait brûler le corps, puis avec une victime innocente qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment.
Dans les Landes de Gascogne, un conseiller municipal évalue les dégâts causés par un début d’incendie quand il tombe sur les restes d’un cadavre calciné. Sa jeune chienne découvre un autre corps plus loin.
Un ancien toréador appelé Manolito a été retrouvé nu et torturé dans la chambre d’un hôtel minable. Parmi les effets découverts, un blouson de femme, de type K-Way, intrigue les enquêteurs.
Le groupe criminel de Marion a été chargé des deux affaires. Peu à peu, en rassemblant des indices, des données sur les blessures, Marion comprend que ces meurtres évoquent le rituel de la… corrida. Elle part, avec son équipe, pour Bordeaux et les Landes où, semble-t-il, se trouverait le nœud de l’affaire.
Pour animer son récit, son cinquième roman paru initialement aux Editions Robert Laffont, en 1998, l’auteur a structuré une équipe d’enquêteurs. Edwige Marion, que tous appellent par son nom, qui se trouve être également un joli prénom, son héroïne fétiche, voire une alter ego, est à Lyon où elle dirige, en tant que jeune commissaire le groupe criminel au sein de la Police Judiciaire. Elle est assistée, ici, des par trois principaux membres de sa section : un balèze armé comme un porte-avions, un scientifique à l’air intello et un malheureux en amour.
Danielle Thiéry compose cette équipe avec soin mêlant des caractères opposés mais qui se complètent pour former un ensemble dont les efforts se conjuguent,dont les compétences se complètent pour une efficience optimale.
Subtile observatrice du comportement humain, elle sait, sans doute pour l’avoir vécu de nombreuses fois, que la présence d’une représentante de la gente féminine, au sein ou à la direction d’un service, modifie les comportements des représentants de la gente masculine. Ces derniers, toujours en compétition pour la conquête d’une femme, se livrent à des jeux qui relèvent d’une cours de récréation, forfanterie, jalousie, coups de canif…
Au fil des différents tomes de la saga de la belle commissaire, la romancière fait évoluer son personnage en fonction des rencontres, des attachements sentimentaux, des ruptures, des conséquences de sa vie professionnelle confrontée sans cesse à la violence, à la barbarie, à la mort.
Avec Mises à mort, elle brosse également un tableau du monde de la tauromachie, des éleveurs et grands propriétaires de manades. Elle signe un roman passionnant de bout en bout avec une conclusion hallucinante.
serge perraud
Danielle Thiéry, Mises à mort (Une enquête du commissaire Edwige Marion), J’ai Lu n° 11270, coll. « Thriller », novembre 2016, 448 p. – 7,60 €.