Cyrano de Bergerac (Edmond Rostand/Dominique Pitoiset)
Un Philippe Torreton impérial, dominant parfaitement son rôle de son marcel mal seyant
La scène est ouverte. L’éclairage pâle focalise l’attention sur les portes en fond de scène et sur un personnage assis, de dos, dans un fauteuil au premier plan. Le mobilier, standard, est impersonnel. On est dans un lieu public. Les comportements des personnages y sont légèrement inachevés ; ils recèlent un grain d’imprévisibilité. Dominique Pitoiset a choisi de placer la scène dans un hôpital psychiatrique, chacun s’y montre un peu décalé, non maîtrisé. L’intuition fonctionne d’emblée : des répliques convenues, emphatiques, prennent un sens dynamique, ironique, dévastateur. L’intention tient le fil du rasoir : ce délire guerrier, régionaliste, lyrique et moraliste, vient s’inscrire dans le creux d’une démence latente, radieuse et nourrie d’un esprit chaotique et tumultueux. Bien que le travail présenté apparaisse un peu forcé, il comporte de très belles scènes.
crédit photo Brigitte Enguérand
Ce décalage implique de désamorcer l’aspect martial du texte ; les batailles évoquées doivent y devenir des métaphores de pulsions profondes ou des accès de rage à fleur de peau. Malgré cette neutralisation de l’aspect militaire mais également de la verve de cabaretier de Raguenau, qui fait courir le risque d’une uniformisation de tous les temps de l’action, on assiste à des grands moments de théâtre. Un juke-box amène une ornementation musicale parfaite, bien sentie, de Vivaldi à Bashung. Une utilisation heureuse, ponctuelle, particulièrement efficace, de la vidéo. Un Philippe Torreton impérial, dominant parfaitement son rôle de son marcel mal seyant. Le final auquel nous conduit l’acteur est déchirant : abattu, tout de retenue et de dépit, il semble porter le poids, que l’on sait terrassant, de tous les amours déçus.
christophe giolito
Cyrano de Bergerac
d’Edmond Rostand
Mise en scène Dominique Pitoiset
Avec :
Jean-Michel Balthazar, Adrien Cauchetier, Antoine Cholet, Nicolas Chupin, Patrice Costa, Gilles Fisseau, Jean-François Lapalus, Daniel Martin, Bruno Ouzeau, Philippe Torreton, Martine Vandeville, Maud Wyler.
Dramaturgie Daniel Loayza ; scénographie et costumes Kattrin Michel ; lumière Christophe Pitoiset ; travail vocal Anne Fischer ; assistants à la mise en scène Marie Favre, Stephen Taylor.
A Paris, Théâtre de l’Odéon, 6ème (01 44 85 40 40)
http://www.theatre-odeon.eu/fr/2013-2014/spectacles/cyrano-de-bergerac
du 7 mai au 28 juin, du mardi au samedi à 20h,
le dimanche à 15h. Durée : 2h40.
Production déléguée Théâtre National de Bretagne – Rennes
coproduction MC2 : Grenoble ; Théâtre national de Bordeaux Aquitaine ;
Compagnie Pitoiset – Dijon ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ;
Espace Malraux / Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie ;
Centre National de Création et de Diffusion Culturelles de Châteauvallon ;
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines / Scène Nationale
Créé le 5 février 2013 au Théâtre National de Bretagne – Rennes

One thought on “Cyrano de Bergerac (Edmond Rostand/Dominique Pitoiset)”
Il y a beaucoup trop d’adjectifs dans cet article !