Christophe Langlois, Seconde innocence

Christophe Langlois, Seconde innocence

Recréer le paradis ?

Après le subtil L’amour des longs détours (2014), le poète Christophe Langlois propose Seconde innocence, poèmes pleins d’intentions plus que louables et nécessaires. Ils s’inscrivent dans l’air lourd de l’époque. Le poète s’inquiète pour celles et ceux qui nous suivent et tente de trouver des raisons d’espérer en explorant divers temps et lieux : soi et l’autre, hier et aujourd’hui, son enfance entre autres.
Il souligne combien il manque à l’être l’essentiel ; un véritable rapport aux autres et au monde. Il s’agit donc de revenir à ou plutôt de retrouver cette « seconde innocence » chère à Milosz (auquel le titre est emprunté) afin de découvrir de nouvelles assises. L’objectif est louable d’autant que le poète multiplie crêtes, jonctions, écarts, visées, assemblages voire proximités qui peuvent paraître infranchissables.

Pour Langlois, il demeure nécessaire de se remettre de toutes les errances, de faire appel à l’imaginaire tout en préservant l’essence du réel. Grâce à un tel travail de germination, un pari sur l’avenir s’enclenche. Et une sagesse poétique pourrait bien trouver dans l’écriture une capacité miraculeuse de recréer un paradis.
Mais les tractions, les poussées qui doivent permettre à l’infigurable de prendre corps à travers des amorces annonciatrices de ramifications proliférantes demeurent ici sous forme d’emmêlement d’intentions et convergences qui ressemblent à une suite de mariages blancs.

L‘idée, la volonté sont présentes mais l’auteur, au moment où le terme de matrice pourrait reprendre tout son sens, nous laisse sur notre faim. Pour faire rejaillir cette « innocence », il faudrait au langage une autre puissance et qu’il sorte plus nettement de ses gonds. Le poète ne détruit pas suffisamment sa facilité afin de créer un plus subtil éveil et un émerveillement.
Demeure certes la recherche où l’art trouve un enjeu existentiel, mais un tel langage élude l’idée qu’on espère au regard d’ une telle résurrection. Frôlement et ancrage ne suffisent pas à une telle fabrique du futur.

La vie couve sans réellement éclore comme s’il y avait trop d’études et pas assez de caractère

jean-paul gavard-perret

Christophe Langlois, Seconde innocence,  Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019.

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