Bruno Krebs, Tonnerre de Bresk

Bruno Krebs, Tonnerre de Bresk

Touffue, une telle odyssée, sans départ ni arrivée, avance en zigzagant de Pétersbourg à Zanzibar, ou de Brest à Brighton. Le tout selon une géographie provisoire en trains, bateaux vélos, veaux, vaches, cochons, etc. Le nouvel Homère affronte cataclysmes et gorgones et vierges folles, avance comme il peut à la recherche de l’Eden en jouissant au passage de fêtes nocturnes, érotiques mais aussi barbares ou barbantes.

Expédié un peu n’importe où en affrontant lions, éléphants abandonnés par leurs cirques ou déboussolés, ce héros a honteusement dilapidé son héritage. Il n’a même pas de nom ou celui du narrateur, que chaque lecteur écorche conformément à la vis comica de l’auteur.
Flottant dans son identité, il dialogue avec les morts au sein d’embrouillaminis grotesques, factices et facétieux dans ce récit fleuve qui déborde autant l’eau des rêves, les blessures et le réel ravivé de ses couleurs. Le tout, et entre autres, au milieu de moutons « blancs ou bruns, chocolat ou quasi noirs, toisons caressées, dorées par doux faisceaux, leur houle se divise puis se regroupe entre prunelliers et ronciers, piétine sables blancs ou argileux » qui se bousculent par centaines, selon une fanfare sans partition.

Ici, tous folâtrent là où peuvent s’imaginer des lions et tigres du Bengale en Bretagne. Le tout avec une gouaille qui favorise acceptation ou refus. Plutôt que chasseurs, les bestiaux sauvages sont des pièges même si les cochons « depuis belle lurette transformés en machines à jambon » sont conservés sous clés.
Cela ne mange pas de pain, Mais ici, êtres et monde perdent leurs repères. Egarés, les premiers pullulent sans retenue, sans que l‘auteur pousse des conjectures tant il est excédé ou pris de bâillement sans savoir qui, de lui ou du lion, est le roi des animaux dans ce bestiaire surréaliste au fou babil. C’est comme si l’auteur, pattes en l’air, pédale sur le dos, s’immobilisait, tête fixe renversée pour écrire ce qui advient – ou pas. Avant de ronfler et se détendre enfin, paisible. Nous pas.

jean-paul gavard-perret

Bruno Krebs, Tonnerre de Bresk, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2025, 238 p. – 28,00€.

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