© Artūrs Pavlovs
Un huis clos stimulant mais complaisant
Cela commence avec des intertextes, des propositions et des citations qui explicitent l’enjeu artistique. Des personnages investissent un restaurant d’un air entendu. On parle haut, d’un ton péremptoire, d’art et encore d’art, sans jamais savoir de quel art on parle. Il y a du son, du gros son qui envahit la scène et sature l’espace de la salle, peut-être pour dire la hauteur et la violence de la création.
C’est comme un déluge d’expression, de personnes qui se prononcent en jetant leur propos à leur interlocuteur et à la cantonade, maintenant une tension verbale permanente. Le dispositif scénique est constitué de pièces d’un restaurant asiatique (bar, salle de service, cuisine, couloir) qui sont des modules mobiles, associés de façons diverses au cours de la représentation. Les comédiens sont constamment filmés ; leur image projetée au-dessus du plateau redouble le propos, l’amplifie et permet sans doute de l’interroger.
Les dialogues sont thématiques, ils concernent essentiellement la vente à plus de huit millions de dollars d’un tableau de Rothko qui s’avère ensuite inauthentique. Ils ont des registres diversifiés : tantôt électriques, tantôt ironiques, ils se montrent aussi souvent corrosifs et répétitifs. Dans l’ensemble bien senties, les déclarations présentées, par leur redondance et leur inscription dans une scénographie récursive, peuvent apparaître comme une méditation bavarde sur l’art contemporain.
Ce long huis clos dans un tripot new-yorkais se révèle finalement complaisant. Chaque séquence s’ouvre en effet de façon dynamique ; elle procède de la mise en valeur d’une situation intéressante, mais son propos est systématiquement étiré. A terme, on assiste à une mise en abyme : le lieu des interactions est filmé en miniature et le sort de la maquette apparaît sur scène. Mais la perspective est encore reproduite et le spectacle peine à identifier sa propre fin.
christophe giolito
Rohtko
texte et dramaturgie Anka Herbut
mise en scène Łukasz Twarkowski
en letton, anglais et chinois, surtitré en français
avec Juris Bartkevičs, Kaspars Dumburs, Ērika Eglija-Grāvele, Yan Huang, Andrzej Jakubczyk, Rēzija Kalniņa, Katarzyna Osipuk, Artūrs Skrastiņš, Mārtiņš Upenieks, Vita Vārpiņa, Toms Veličko, Xiaochen Wang.
Scénographie Fabien Lédé ; vidéo Jakub Lech ; chorégraphie Pawel Sakowicz ; musique Lubomir Grzelak ; costumes Svenja Gassen ; lumière Eugenijus Sabaliauskas ; assistants à la mise en scène Mārtiņš Gūtmanis, Diāna Kaijaka, Adam Zduńczyk ; assistante à la dramaturgie Linda Šterna
assistant aux costumes Bastian Stein ; opérateurs caméra/vidéo Arturs Gruzdiņš, Jonatans Goba
régisseuse général Indra Laure ; producteur Ginta Tropa ; distribution internationale Vidas Bizunevicius.
Au Théâtre de l’Odéon — Ateliers Berthier 1, rue André Suarès, 75017 Paris. 01 44 85 40 40 https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2023–2024/spectacles-2023–2024/rohtko
Du 31 janvier au 9 février 2024, du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h, durée 3h55 (avec entracte). En letton, anglais et chinois, surtitré en français et en anglais tous les soirs (bilingue). Volume sonore élevé et effets stroboscopiques. Spectacle créé le 12 mars 2022 au Dailes Theatre, Riga – Lettonie.
Production Dailes Theatre, Riga – Lettonie ; en coproduction avec JK Opole Theatre – Pologne et l’Institut Adam Mickiewicz — cofinancé par le ministère de la culture et du patrimoine national de la république de Pologne et le ministère de la culture de la république de Lettonie. Ce spectacle bénéficie du soutien du Cercle Giorgio Strehler.