© Simon Gosselin
Un tissu sensitif englué de solennité
La scène, plongée dans la pénombre, s’ordonne autour d’un grand cercle rouge qui constitue le sol. Initialement jonché de quelques meubles blancs, il va accueillir durant toute la représentation les confidences des personnages. Il ressemble à l’intérieur d’une cellule, qui laisse au grossissement transparaître des formes de vie insoupçonnées. Cette arène, anneau probablement baigné de sang, est amenée à projeter ses reflets en fond de scène et jusqu’au plafond de la salle.
Elle accueille les pas de ceux qui viennent y tenir un colloque stratégique, lequel semble faire perdurer les conflits meurtriers qui ont déchiré les parties prenantes lors de la guerre de Troie. Ce sont aussi des mises en échec de l’amour : Hermione récuse Oreste, Andromaque refuse de payer du prix d’un hymen insupportable à la mémoire d’Hector le salut de leur fils Astyanax.
Pyrrhus, façon militaire sans scrupules, tout droit sorti des rangs de la milice Wagner, essaye de contenir comme il peut les courants passionnels qui s’expriment à lui. Les costumes, mal ajustés, semblent engluer les personnages dans les rôles qui les conditionnent.
Par sa présentation statique, Stéphane Braunschweig restitue sobrement la pièce, essayant de lui donner une ampleur et une souplesse inédites. Pourtant, les suppliques que s’adressent les personnages ont une dimension lancinante, et si les derniers moments du drame confirment le sort de héros en proie à des destinées qui s’enchevêtrent sans se résoudre, le propos apparaît empreint d’invocations hermétiques.
Une belle tentative pour transcrire la tragédie visuellement, et pour ainsi dire de façon sensitive, dans un tissu de quotidienneté englué de solennité.
christophe giolito
Andromaque
de Jean Racine
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
avec Jean-Baptiste Anoumon, Bénédicte Cerutti, Boutaïna El Fekkak, Alexandre Pallu, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal, Clémentine Vignais.
ollaboration artistique Anne-Françoise Benhamou ; collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel ; costumes Thibault Vancraenenbroeck ; coiffures et maquillage Emilie Vuez ; lumière Marion Hewlett ; son Xavier Jacquot ; assistant à la mise en scène Aurélien Degrez.
Au théâtre de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon 75006 Paris,
Du 16 novembre au 22 décembre 2023, Odéon 6e, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.
Location www.theatre-odeon. 01 44 85 40 40
Création à l’Odéon ; production Odéon-Théâtre de l’Europe. Ce spectacle bénéficie du soutien du Cercle de l’Odéon.