“L’éclat du soleil me dissimule le visage de l’homme qui me lance sa tirade en caressant son chien.” (V. B.)
Il existe deux façons de lire de telles chorégraphies d’orages : à savoir, comme un voyage dans Bruxelles ou une dérive urbaine (sauf à la fin) en compagnie d’un tueur. Pas n’importe lequel : celui qu’avait déjà théâtralisé Bernard-Marie Koltès et que Véronique Bergen remet en scène du haut de ses cuissardes pour nous accompagner telle une garde du corps.
Dans une écriture finement baroque, l’amatrice sulfureuse des marges de l’amour et de la société trouve dans ce gibier de potence de quoi faire le lien avec d’autres meurtres a cappella coulés ou non dans l’irréalité. Jaillissent un chant et des champs de la solitude, “moulés estampes de la pleine lune”, d’autant que la narratrice garde du répondant et “C’est pas Éole et ses barcarolles qui vont décourager ma rétine, me mettre échec et mat.”, dit-elle à travers un de ses personnages.
Nous sommes là dans un registre des décadents de la fin du XIXème comme du romantisme noir en une déambulation. Elle devient un sacré et terrible voyage. L’architecture douteuse de Bruxelles d’aujourd’hui reste le cadre de cet “Ange du désir”, manière féminine et nettement moins barbante mais peut-être plus barbare que la version de Wim Wenders. Elle se fait assassine en compagnie des tueurs et leurs chantres dont Genêt.
Il est certain que Roberto Succo et ses clones n’y sont pas pour rien. Et ce, dans un jeu de débouclements et de sosies. Si bien que Véronique devient le noir séraphin qui nous mène aux anges.
jean-paul gavard-perret
Véronique Bergen, Les danses de Roberto Succo, Editions maelstrÖm reEvolution, collection Bruxelles se conte, Etterbeek Bruxelles, 2023, 34 p. — 12,00 €.