Il faut toujours se méfier des évidences
Gil St-André apparaît pour la première fois en janvier 1996, crée par Jean-Charles Kraehn, alors au scénario et au dessin. La série va suivre un parcours quelque peu chaotique avec des interruptions, des changements d’auteurs pour finalement être reprise par son créateur en décembre 2017 pour le tome 12.
Rayan, la cinquantaine, pratique assidûment la musculation, ce qui lui autorise de nombreuses conquêtes féminines. Or, un gros nuage vient troubler son existence.
Sylvester Mallone arrive en retard à une réunion présidée par Gil St André. Il porte des pansements sur le visage parce qu’il a été agressé par des voyous qui lui ont pris son portefeuille. Mais, un de ses collègues parle, en se moquant, d’une dérouillée par sa meuf. Gil recadre l’indélicat mais reste troublé. Profitant de la pause-café, il constate que Mallone a bien son portefeuille.
De façon anodine, Gil passe devant la maison de son employé et engage la conversation. L’épouse sort et l’invite à boire le café qu’elle commande à son mari. Marie-Jeanne est une maîtresse femme. Alors qu’il s’en va, Gil est témoin, grâce au rétroviseur, d’une scène qui semble violente entre Marie-Jeanne et un joggeur, le voisin du couple.
Mallone, au travail, reçoit un appel téléphonique et part immédiatement. Quelques jours plus tard, la police vient l’arrêter ; il est soupçonné du meurtre de son épouse. Gil n’est pas convaincu, son collaborateur n’a rien d’un tueur. Il décide de faire la lumière sur cette affaire…
Dans ce nouveau tome, le scénariste propose une belle intrigue de type policier menée par le héros et sa compagne, Djida, inspectrice de police. Celui-ci devenu chef d’entreprise, dirige une équipe d’ingénieurs qui travaille sur un projet dont le lecteur ne saura rien, Gil ne voulant pas se faire voler son idée.
Autour d’un personnage falot, sous le joug d’une femme de caractère qui n’hésite pas à le frapper, le scénariste conçoit un récit où se mêle nombre de données, de protagonistes d’horizons divers. Il propose une histoire rythmée, qui accroche l’attention. L’humour est très présent et il place quelques éléments qui réactivent de beaux souvenirs littéraires quand il cite Berthe Bérurier et Folcoche. La première est une protagoniste singulière dans la saga San Antonio de Frédéric Dard, la seconde est une mère tyrannique mise en scène par Hervé Bazin dans Vipère au poing.
Le graphisme est assuré par Chrys Millien avec un dessin réaliste, aux traits gracieux, et aux couleurs d’une belle tonalité. Si la mise en page est de facture classique, elle donne une lecture agréable et facile. Les décors relatifs au fort de Buoux dans le Lubéron, au désert des Bardenas Reales entre la Navarre et l’Aragon donnent envie d’aller visiter ces lieux.
Un nouvel opus qui enrichit de belle manière une fresque policière dont on ne peut souhaiter que la poursuite tant les intrigues et le graphisme sont séduisants.
serge perraud
Jean-Charles Kraehn (scénario) & Chrys Millien (dessin et couleurs), Gil St-André — t.15 : L’assassin innocent, Glénat, coll. “Bulle Noire”, août 2023, 56 p. — 12,50 €.