Jean Cocteau reste un poète d’exception dont le talent a souvent été écrasé par l’idéologie de son temps — et les surréalistes n’y furent pas pour rien. Cet ostracisme peu ou prou persiste même si ses textes, comme celui qui accompagne le “dormeur”, donnent un bel exemple de puissance de la langue : “Les rêves sont la fiente / Du sommeil. Ceux qui les font / Troublent l’eau pétrifiante / Et les prennent pour le fond.”
Quant aux dessins réunis ici, ils sont, selon le poète lui-même, “pas exactement des portraits de Jean Desbordes mais plutôt de l’amitié que je lui porte et d’une admiration respectueuse”. Et ce, au nom et en témoignage d’une relation amoureuse qu’il entretint avec ce jeune poète (mort torturé par la Gestapo, quinze ans plus tard).
Ce moment qui marquera toute son œuvre met en images un thème fondamental de Cocteau : le sommeil. Ici, le dormeur apparaît autant yeux fermés qu’ouverts. Il n’est pas celui “du val ” de Rimbaud. Il est vivant et permet d’être proche d’une réalité “qui n’a rien à faire avec les yeux” et qui plonge au “secret des racines, des sources” en touchant “langage des étoiles” que représente une telle poésie trop mal aimée ou reconnue.
jean-paul gavard-perret
Jean Cocteau, Vingt-cinq dessins d’un dormeur, présentation et étude de Pierre Chanel, Fata Morgana, Fontfroide le haut, 2023, 64 p. — 25,00 €.