L’ancien enseignant et directeur d’un lycée wallon Armel Job se révèle, à chaque nouveau roman depuis près de trente ans, grand raconteur d’histoires et non moins grand sondeur du cœur humain. On peut le voir dans Le Meurtre du docteur Vanloo comme dans ce livre où la fiction est remplacée par les souvenirs dont l’animation est rehaussée aussi par les dessins de Benjamin Monti.
Cette tante Esther avait un vieux parent, dont elle apprit qu’il était à l’article de la mort. Elle décida de lui rendre visite de même qu’à l’auteur et son cousin David. Un cadavre leur aurait fait moins peur. Tante Esther elle-même n’en menait pas large. Plus tard, elle réapparut avec un plateau sur lequel se trouvaient un rasoir coupe-chou, un blaireau et un bol de savon fumant. Les trois se penchèrent sur le mourant et la grand-mère lui “fit la peau plus nette qu’une peau de bébé.”
Et c’est ainsi que les investigations, les pistes dévoilent peu à peu des vérités sur elle. Surgissent ses fragilités, ses doutes, ses silences et peut-être parfois ses mensonges mais aussi ses sentiments et centres d’intérêt. Elle se révèle très différente de ce qu’elle pourrait imaginer elle-même.
L’auteur soulève pudiquement le voile des apparences et des non-dits dans ce qui tient d’un véritable conte. L’existence de cette tante s’écoule dans une espèce de rythme immuable. Aux yeux de l’extérieur, elle passe pour une femme fragile, mais bien des mouches la piquent. Et aucune ne la fait renoncer à qui elle est si bien que toutes et tous ceux qu’elle entraîne à sa suite subissent plus ou moins non seulement sa présence. mais sa pression.
Mais la priorité reste à la narration. L’auteur n’impose rien et se contente de titiller avec élégance la curiosité du lecteur et la relance à chaque page.
jean-paul gavard-perret
Armel Job, Souvenirs de ma tante Esther, dessins de Benjamin Monti, Editions Pierre d’Alun, Bruxelles,2023, 60 p. — 19,00 €.