Enzo Crispino, La belleza perduta & Otto ore

Du cli­ché à l’épreuve

Enzo Cris­pino envi­sage ou dévi­sage le tra­vail humain selon dif­fé­rents axes mais avec un parti pris par­ti­cu­lier : l’absence à l’image de tous êtres humains (à l’exception dans le pre­mier livre et à sa fin d’une appa­ri­tion par­ti­cu­lière et mor­ti­fère).
C’est une manière d’objectiver le réel : dans un cas en créa­tion, dans l’autre en des­truc­tion. Existe donc là une double poé­tique : celle des ruines, celle de l’édification.  De ceux qui les fomentent ne sont rete­nus que leurs fantômes.

D’où la pré­gnance para­doxale, par leur absence, de ce qui est mon­tré. Le tra­vailleur ou l’être en géné­ral, traité en apo­rie, donne aux lieux que cadrent le pho­to­graphe une forme de han­tise. Existe en fili­grane une com­pli­cité entre ce qui est donné à voir et ceux qui sont aux com­mandes de telles actions.
Ce qui se décline uni­que­ment comme un pay­sage ou une nature morte crée néan­moins une immer­sion et une proxi­mité du rituel du tra­vail humain comme du temps qui détruit ce qu’il contri­bua à créer : des palais en ruines ou des auto­routes en déshérence.

Et ce, jusqu’à créer un oni­risme qui rejoint la réa­lité là où  le pho­to­graphe tra­vaille les formes, les volumes, les cou­leurs, la lumière  pour fixer une sorte d’”éternité” à ce qui va adve­nir ou à l’inverse de ce qui s’écroule. Par longues et métho­diques séances de poses, Cris­pino a donc su créer dans ces espaces des beauté mécon­nues. Elles sur­gissent dans “tout ce qui reste” (Beckett) comme dans la fabri­ca­tion  d’objets usi­nés.
Par de telles sai­sies, la pho­to­gra­phie a donc tou­jours quelque chose d’ “autre” à mon­trer. Cris­pino ne se contente pas de simples varia­tions sur la répé­ti­tion de ses décou­vertes. Il y ajoute par le sup­plé­ment de ses images un sup­plé­ment de réa­lité dont il perce l’apparence.

Ces deux ensembles prouvent que l’imagination ne meurt pas, même lorsqu’elle est confron­tée au réel de la tech­ni­cité ou des ruines. Dépla­çant en appa­rence le champ esthé­tique vers d’autres, le pho­to­graphe en pro­duit des débor­de­ments du fran­chis­se­ment. Il pousse ainsi le lan­gage pho­to­gra­phique dans ses retran­che­ments.
S’instaurent bien des trans­for­ma­tions. Il ne s’agit pas décli­ner du réel appa­rem­ment aride (usine) ou en déré­lic­tion (friches indus­trielles) mais de le méta­mor­pho­ser. Preuve s’il en est que “le beau est tou­jours bizarre” (Baudelaire).

jean-paul gavard-perret

Enzo Cris­pino, La bel­leza per­duta, Otto ore, Cor­siero Edi­tore, Reg­gio Emi­lia, 2018 et 2019, 100 p. et non paginé — 30,00 et 40,00 €.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Beaux livres, Chapeau bas, Echos d'Italie / Echi dell'Italia

One Response to Enzo Crispino, La belleza perduta & Otto ore

  1. Enzo Crispino

    Bon­jour Prof. Gavard-Perret, je vous remer­cie et vous prie de m’excuser pour ce retard.
    Merci tou­jours pour votre infi­nie gen­tillesse.
    Enzo Crispino

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>