Jean-Claude Bélégou, Artiste + Modèle 2023

Diptyques et trio du fantôme

A coté de la thé­ma­tique du pay­sage, celle du lien artiste et modèles tra­verse l’œuvre de Bélé­gou. La pre­mière envi­sage un dehors et la seconde l’intime jusqu’à créer un oni­risme où le rêve a par­fois rejoint chez le pho­to­graphe la réa­lité tant la pho­to­gra­phie du nu fémi­nin néces­site un tra­vail avec des formes, des volumes, des cou­leurs et ce, au plus près des corps, des visages pour fixer une sorte d’ “éternité” .

Le tête-à-tête avec le modèle, même s’il se décline comme celui avec le pay­sage ou la nature morte, crée néan­moins une immer­sion et une proxi­mité qui tient d’un rituel dégagé ici d’un rite pure­ment éro­tique. Il faut en effet de longues et métho­diques séances de poses pour qu’abandon et beauté sur­gissent en une com­pli­cité agis­sante lorsque Bélé­gou se concentre sur le corps, sa pose, le jeu de lumière, la com­po­si­tion, la pro­fon­deur du champ.
Cela, désor­mais jusqu’au moment où l’artiste finit par retour­ner son appa­reil pour des auto­por­traits et les adjoindre en dip­tyque avec les cli­chés de ses modèles.

Il lui convient de se lais­ser aller afin d’épouser le rythme de l’espace et du temps. Et sou­dain, la pho­to­gra­phie avant de pré­sen­ter un miroir dans lequel se ver­rait un ou une autre, accorde la pure contem­pla­tion d’un lan­gage pho­to­gra­phique. S’y perdre est à la fois un plai­sir et une angoisse parce que ces doubles images pré­sentent un rap­port inédit dans l’oeuvre.
A l’épreuve des dip­tyques, une fable se crée pour que nous soyons avec le créa­teur et ses modèles dans ce que l’artiste nomme “la vérité”. Celle d’appartenance en écho. Dans cette dua­lité et adja­cence, por­traits et auto­por­traits prennent valeur d’icônes. Elles posent leur aura et la réa­lité en une trace, en une suite de rapts d’instantanés qui ne se sai­sissent que dans la lon­gueur du temps.

L’extra­or­di­naire tient donc par le fait que nous vivons en quelque sorte dans un autre monde. Car le “motif” invite à la fic­tion. Elle n’interdit pas la délec­ta­tion mais déplace la jouis­sance. Si bien que si l’image n’enlève en rien le corps ou le visage, elle les fait vivre autre­ment.
C’est avan­cer en une zone d’incertitude et d’affirmation au moment où le dip­tyque crée non une fusion mais un consen­te­ment à mul­tiples rap­pro­che­ments, pré­sences et entrées. Pour preuve, le duo artiste/modèle se trans­forme en trio avec l’arrivée du regar­deur “fantôme”.

jean-paul gavard-perret

Jean-Claude Bélé­gou,  Artiste + Modèle 2023, www.belegou.org

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, Erotisme

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>