Celle qui se définit comme “la femme sauvage que l’on apprivoise” n’a cessé de rouler sa bosse en de multiples vies et dans une radicalité pour se donner telle quelle “fleur abandonnée / dans un champ de lumières / qui grandit sous les caresses”. Elle reste une force qui va en se moquant, dit-elle, “de ce qui trouble, de ce qui envahit, laissons-le aux chiens. Tu peux mordre là où le tendre attend. Le sang peut jaillir, je ne sentirai pas.”
Elle est devenue au fil du temps celle qui écrit l’amour et l’érotisme mais selon son propre alphabet et sa nécessaire violence le cas échéant. C’est ce qui fait d’Anne Perrin une créatrice rare capable de tout dire même la colère, le ressentiment, les frustrations.
Le tout loin des fioritures et des conventions en ne cessant d’être celle qu’elle devient tout en l’ayant toujours été.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Rien. Je reste au lit. Je ne me lève pour ainsi dire jamais le matin.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Perdus ou oubliés.
A quoi avez-vous renoncé ?
A tout ce qui n’est pas essentiel.
D’où venez-vous ?
D’une poussière d’étoile.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je ne me souviens plus.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Lire et écrire, ou l’inverse selon les jours.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Ce n’est pas à moi de répondre à cela.
Comment définiriez-vous votre approche de l’eros ?
La peau, d’abord la peau.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les charniers des camps de concentration.
Et votre première lecture ?
Ce devait être un livre de la bibliothèque rose, mais lequel…
Quelles musiques écoutez-vous ?
Un peu toutes, hormis la House, la contemporaine, le free jazz.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y en a trop, impossible de choisir…
Quel film vous fait pleurer ?
“La vie des autres”, revu récemment mais aussi tous les autres
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi, mais j’ai toujours de la peine à me reconnaître.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Patrice Chéreau, pour lui proposer une rencontre, voir une collaboration.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Beyrouth, que je ne connais pas.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Patrice Chéreau, cité au-dessus, certains auteurs de théâtre comme Wajdi Mouawad ou Fabrice Melquiot, Virginie Despentes, Armand Gatti, connu et aimé, Stanislas Nordey en mise en scène, Tapies en peinture, Damien Saez en chanson, Sebastio Salgado en photographie, Pina Bausch en danse, et tant d’autres que j’aime et dont j’aimerais me sentir proche, sans aucune garantie d’y parvenir.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Rien. Je sais donner mais ai toujours de la peine à recevoir.
Que défendez-vous ?
Un autre monde possible. Sans aucune illusion sur la faisabilité.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’amour est en soi. Pour tout le monde. Certains l’ont oublié ou perdu en cours de route.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Toujours écouter avant de répondre.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ? Oui.
Présentation et entretien réalisé par jean-paul gavard-perret
De Anne Perrin,
– Tu la baises & Lui dit-elle, Z4 éditions, 2019,
– Bleue est la morsure, Jacques Flament éditeur, 2021,