(Antonin Artaud)
L’art crée des imageries mystérieuses et archaïques mastiquées par une énorme bouche-sexe qui parle le conscient et l’inconscient non plus “envoutés” mais soudain libres. Face à la langue écrite, cet “utérus dont je n’avais que faire” dont parlait Artaud, l’art propose un coït tellurique, mais au sein non de la Mère cosmique dont l’image devient l’hymne sauvage et ample créé dans bouillonnement sourd de formes afin de quitter l’ici du temps présent pour se fondre dans l’ailleurs.
Il s’agit de se fondre et se libérer, détacher la dernière petite fibre rouge des terres des Tarahumas de spectre phallique afin de se désenclaver de la loi des puissances politiques, économiques, religieuses et se dégager de l’asservissement.
L’art est à ce titre une expérience viscérale, sismique, organique. Elle cherche l’image absolue agie et vécue quelque part. Elle permet de retourner à la terre première. Celle qui ne se retrouve qu’en s’arrimant à la membrane matricielle chère à Artaud.
Elle seule évite de tomber au néant. L’art doit rester au milieu d’un songe, dévoré par la soif, et qui cherche à boire, et qui ne trouve pas l’eau qui pourrait éteindre le feu de ses os. Tous les sens se combinant dans l’expérience d’une transe, l’image devient une grande vibration immobile.
En résumé, l’art est le sacré et l’eros. La nuit y est juste l’ombre de la terre, les femmes y font le lien entre le rationnel et l’irrationnel, leur vulve est une étoile, la vie s’y crée, se répète, le sacré observe mais c’est le contraire de la religion.
L’image devient l’organe de révélation. A la chairvoyance se substitue une claire voyance. Elle dirige vers la solarité en dépit des menaces que l’époque contemporaine fait passer sur l’individu. Il y a en elle la couleur, l’esprit, le réel, sa transformation, le pouvoir du rêve, la bravoure de la réflexion, l’identité des cercles, le mot sans le verbe, l’animal, l’arbre, le tonnerre, la Femme encore et toujours, la rivière, le feu, l’ombre, le sang, la matrice de l’Univers.
jean-paul gavard-perret
Photo : Anna Bambou