Voici enfin l’exposition que nous attendions depuis très et trop longtemps. Michèle Divoy est en effet une collagiste belge d’exception, dont le plus grand défaut est de ne jamais montrer son travail. Elle ignore tout des prurits de l’ego et préfère vivre sa vie à partir de Liège et de sa Rue sous l’eau.
C’est néanmoins pour les amateurs d’art un gâchis : tant de miracles d’imagination et d’ironie restent sous le manteau alors qu’ils feraient grimper tout le monde aux rideaux et cimaises.
Au milieu de corps blasphémés puisés ça et là, Michèle Divoy laisse surgir le martyr de ses émotions avec leur odeur de brûlé. Née toujours d’un bouleversement pour des rapprochements tendancieux, l’artiste ne nous fiche jamais la paix : depuis, nous ne voudrions jamais la retrouver.
Face au réel alentour, la collagiste et photographe demeure une rebelle. Elle commet des “crimes” parfaits. Ils n’ont pas besoin de juges mais d’esthètes ébahis. Et ils se passent tout autant d’accusés. Récusant les élus, laissant à ses pieds le néant, une telle oeuvre vit son chemin sans complaisance mais avec les farces obscènes mais pas seulement. Non que Michèle Divoy soit une Sainte infidèle, mais elle reste une de ces irrégulièr(e)s de l’art dont la Belgique s’est fait la spécialité.
Par l’équilibre de ses créations, Michèle Divoy alimente la complexité des êtres. Et qu’importe si les robes de ses vierges parfois sont usées. Grace à la créatrice, elles n’ont pas pour autant épuisé leur provision de panache. Même s’il ne reste qu’un peu de safran au fond de leurs yeux.
Sous la jaune transparence de leur voile se distingue le ruisseau noir qui partage leur corps en deux ergots disjoints. Et sous les boucles flottantes se découvre parfois la beauté de l’os brillant en porcelaine.
jean-paul gavard-perret
Michèle Divoy, La vie en Rosse, Le Vieil Engueux, Houffalize (Belgique) jusqu’au 30 août 2023.