Ce récit, dans un cadre hivernal où le froid et la neige règnent en maître, met en scène deux personnages particulièrement attachants.
Hantés par leur passé, par des cauchemars, ils revivent les moments déterminants qui les ont fait basculer dans une vie de fugitifs. Ils sont poursuivis par des forces de l’ordre, des forces dont certains sont particulièrement gratinés.
Un jeune homme chevauche dans les montagnes enneigées du Montana et repense à son père, un tyran, à sa mère, une femme soumise. Il est leur seul enfant. Il doit trouver le village de Promesa sinon il va mourir de froid dans cet univers glacé. Il trouve un passage sur un ruisseau, passage qu’il s’empresse de démolir lorsqu’il a traversé.
Et les souvenirs désagréables resurgissent. Il arrive dans ce village abandonné à la suite d’une tragédie quand une jeune femme, armée d’un révolver, lui bondit dessus et le désarme. Elle porte une étoile. Elle le presse de repartir, il ne peut rester là. Cependant, il s’installe à l’écart, dans une cabane en ruine qu’il retape sommairement.
Peu à peu, il impose sa présence. Il s’appelle Zachary Desmoines et elle se présente comme Perla Sietevidas. Tous deux ont un lourd passé. Ils ont dû tuer, l’un pour défendre sa mère, l’autre pour survivre à un mari brutal.
Ils ont, tous deux, un marshal lancé à leurs trousses. Ils vont devoir s’unir pour faire front à une meute déterminée…
Cet album expose un drame épique, nourri par les thématiques féministes qu’Anthony Pastor aime approfondir. Cette histoire s’inscrit dans une rébellion contre ce patriarcat qui structure nos sociétés contemporaines et qui structurait, de façon absconde, l’époque où se débattent les héros.
L’auteur invite ses lecteurs à un huis clos dans lequel deux personnes doivent trouver les moyens de se soustraire au sort qui les attend, la pendaison. Il conçoit son scénario en trois parties, de la transformation du village en forteresse jusqu’à l’assaut final.
Au milieu de ces hommes, Perla est la véritable héroïne. Avec son caractère indépendant, elle met en place des stratégies, fait le coup de feu, se défend avec énergie. Elle pousse son compagnon d’infortune au combat.
Prenant nombre de codes visuels du western, l’auteur compose un décor rude où des animaux trouvent aussi leur place. Si les chevaux sont indispensables, il ajoute des prédateurs qui attendent le moment propice pour intervenir.
Parallèlement, il traite le rapprochement des deux héros, d’abord moral certes par leur rupture avec leur famille, avec la société et rapprochement des corps quand il faut dénuder ceux-ci pour soigner les blessures. C’est aussi la quête pour un amour. Zachary, dès sept ans, n’affirmait-il pas : “L’amour m’attend quelque part.” ?
Anthony Pastor aime changer de technique au fil de ses albums. Pour celui-ci, il décide de se passer des outils numériques et de tout faire à la main en s’appropriant les méthodes traditionnelles. Il propose un dessin au pinceau et à la couleur directe où son trait est mis en valeur par des effets lumineux dûs à l’usage d’un lavis à l’encre bleue. Le résultat est exceptionnel. On en redemandera pour ses futurs projets.
Avec cette Femme à l’étoile, Anthony Pastor reprend des thèmes du western qu’il ajuste à sa vision de la société dans un scénario étonnant, porté par un graphisme qui doit faire école.
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serge perraud
Anthony Pastor (scénario, dessin et couleurs directes), La Femme à l’étoile, Casterman, avril 2023, 264 p. — 27,00 €.