Dans les années 50, à Rome, l’héroïne Valeria Cossati entre chez un buraliste. Et ce, pour acheter des cigarettes à son mari. Elle en ressort avec un cahier qui va changer sa vie.
Ce petit carnet noir, elle le dissimule à ses proches et il devient une sorte de journal intime. Elle y reporte ses réflexion, sa vision de quotidien. C’est pour elle le lieu d’une introspection au fil des jours.
Jusque-là, elle se l’était interdite. Mais ce carnet va devenir un moyen de s’émanciper pour cette femme de la classe moyenne prise au piège des conventions, étouffée par son sens du devoir envers son mari et ses enfants.
L’héroïne en fait le champ d’étude et de transgression de ses propres limites même si elle ne parvient pas à les dépasser. Néanmoins, grâce à cet “objet” elle met à mal les lois qui gouvernaient son univers physique et mental.
C’est là une chronique touchante d’une Italie d’après-guerre où surgit tant que faire se peut un appel à une vie différente et à la liberté. En filigrane pointe aussi une réflexion implicite sur la force de l’écriture au moment où Alba de Céspedes décrit les audaces feutrées (ou non) d’une femme en mal de “modification” (Butor) dans une société qui commence à bouger après des années de plomb.
jean-paul gavard-perret
Alba de Céspedes, Le cahier interdit, trad. de l’italien par Juliette Bertrand & révisé par Marc Lesage, Gallimard, collection Du monde entier, 2023, 336 p.