Par chaque mot émis, celui qui devient son antérieur s’éloigne. Tout se perd en buée mais néanmoins pour faire acte de présence. Toutefois, chaque mot n’ajoute rien : il retranche, chassant son prédécesseur en le vidant de sa lumière par sa propre ombre.
Celui-ci cède de gré ou de force la priorité : c’est pourquoi ce qui en reste n’est ni clair ni sombre mais mobile là où tout s’accumule et s’efface en forme de lèvres dont la chair pensante souffle une farine verbale.
De la réalité, elle ne donne qu’un sous-poudrage. Résumons : les mots comme les êtres s’accrochent, dans une fuite, à une volonté d’être. Ils se succèdent dans le présent en désirant le provoquer par une résistance qui ne tient qu’un moment.
C’est peu, diront certains. Mais tout écrivain conséquent pourra se contenter de moins dans le désir inlassable de croire que l’échec ouvre plus d’avenir que son contraire.
jean-paul gavard-perret
Photo Gérard Uféras