Daniel Grojnowski s’est déjà fait connaître par et entre autres Aux commencements du rire moderne : l’esprit fumiste, Rires fin de siècle, Fumisteries : naissance de l’humour moderne, 1870–1914.
Il remet ça en un tel livre avec cette révision des principes où se retrouvent Charles Cros et son texte Hareng saur où soudain Le grand art (est) au rancart puisque celui-ci en sort.
Génie inventeur et scientifique, Charles Cros — qui fit des recherches sur la photographie des couleurs, la communication avec les planètes et la synthèse des pierres précieuses mais fut tout autant auteur burlesque de textes fantaisistes qui ne pouvaient que plaire à son ami de toujours : Alphonse Allais, autre modèle du Fumisme, “école” si l’on peut dire mais sans la moindre théorie — reste le maître du genre que l’auteur met en exergue.
L’auteur repropose aussi une revue des spécialistes du détraquage cérébral. Se retrouvent (Verlaine compris) des excentriques de la facétie verbale mais aussi artistique. Les Fumistes ont donc constitué une confrérie informelle spécialiste d’Albums Zutiques et farces du même genre où l’obscène n’est pas oublié : pour preuve le “sonnet du trou du cul » de Verlaine et Rimbaud.
Parmi ces “situationniste avant la lettre, anarchiste sans doctrine”, se découvrent encore Zapek organisateur de canulars et de chahuts et qui fut l’auteur de la gravure “Mona Lisa à la pipe” comme le montre la couverture du livre, Germain Nouveau et bien d’autres facétieux et blagueurs à outrance, mystificateurs et profanateurs et bien sûr sans oublier Jarry, démonstrateur des effets néfastes de l’eau ainsi que les autres créateurs interlopes de la Pataphysique, dont Duchamp à ses débuts.
Nul ne peut espérer une meilleure compagnie.
jean-paul gavard-perret
Daniel Grojnowski, La Tradition fumiste. De la marge au centre, Champ Vallon, 2023, 256 p. — 24,00 €.