Albarracin apprend à l’oeil une vision qui ne se contente plus de la surface des choses. Héritier de Rimbaud, de Baudelaire mais aussi d’un “réalisme” à la Guillevic ou Follain, il trouve des proximités qui peuvent rendre perplexe.
Mais c’est ainsi que L’Herbier lunatique fait son chemin recueillant la beauté du monde en pratiquant ses greffes paradoxales par des surgeons lexicaux, rythmiques, syntaxiques qui renversent les données immédiates de la conscience là où “Exposée / à l’exact / la pierre / exsude / sa main”.
Le rêve est en chemin en divers registres et entre des précipices. Il est mis en tension par le jeu des parallélismes et évidences (“Un coup d’épée dans l’eau / vous change l’eau en eau”). L’humour n’est donc pas occulté pour faire oublier les possibles amertumes.
La vie est là et une certaine grâce s’ensuit. En une telle expérience du monde que chacun peut retrouver parce que l’auteur sait donner à la lire pour à la fois nous désaltérer et dégripper nos serrures mentales.
jean-paul gavard-perret
Laurent Albarracin, L’Herbier lunatique, Rougerie, 2020, 58 p. — 12,00 €.