Giselle… (François Gremaud)

Didac­tique du bal­let romantique

Après sa pièce Phèdre ! (pré­sen­tée dans le « in » du fes­ti­val d’Avignon en 2018) et avant l’opéra Car­men, Fran­çois Gre­maud pré­sente sa Giselle… au Théâtre de la Bas­tille. Deuxième volet d’une tri­lo­gie consa­crée à trois figures fémi­nines tra­giques du réper­toire clas­sique, Giselle… se donne comme une « comédie-ballet » revi­si­tant le grand bal­let roman­tique Giselle ou les Wilis (1841) dont Théo­phile Gau­tier écri­vit le livret et Adolphe Adam com­posa la musique.
Si Fran­çois Gre­maud choi­sit Giselle pour tra­vailler le genre du bal­let, l’enjeu n’est pas de le repro­duire. Sa comédienne-danseuse, Saman­tha van Wis­sen, seule en scène dans un décor mini­ma­liste duquel se détachent quatre musi­ciens, s’attèle, au contraire, à pré­sen­ter hum­ble­ment le bal­let roman­tique qui fut dansé au cours des décen­nies par d’illustres dan­seuses et dan­seurs tels Carla Fracci, Rudolf Nureyev, Mikhail Bary­sh­ni­kov, Nata­lia Maka­rova ! Ora­trice ou conteuse, Saman­tha van Wis­sen pré­sente l’histoire tra­gique de Giselle, jeune vil­la­geoise séduite par le prince Albrecht déguisé en pay­san mais fiancé à une autre.

À contre-pied du bal­let tra­di­tion­nel, celle qui dansa pour Anne Teresa De Keers­maeke dans son très célèbre Rosas danst Rosas, mime les pas de danse des dif­fé­rents per­son­nages du bal­let tout en décor­ti­quant la vir­tuo­sité de la cho­ré­gra­phie… qu’elle se plaît sou­vent à paro­dier avec légè­reté et moque­rie !
Les figures codi­fiées du bal­let clas­sique (entre­chats, ara­besques piquées…) reprennent toute leur spon­ta­néité à tra­vers le corps en mou­ve­ment libre d’une dan­seuse de for­ma­tion contem­po­raine ; et son ana­lyse des mou­ve­ments cho­ré­gra­phiques et de la pan­to­mime (pra­tique dont nous avons perdu l’habitude de maî­tri­ser les codes) ne manque jamais d’humour.

Il s’agit ainsi de récon­ci­lier culture savante et popu­laire, dans un but didac­tique et péda­go­gique clair, puisque le spec­tacle com­mence par une mise en situa­tion his­to­rique du bal­let. Si on regrette de ne pas entrer plus rapi­de­ment dans le mou­ve­ment cor­po­rel, il faut gar­der en tête que c’est là toute la gageure de Fran­çois Gre­maud : faire un spec­tacle de théâtre où se raconte la danse, sans perdre l’essence même de celle-ci. C’est la prouesse qu’exécute Saman­tha van Wis­sen dont le tra­vail cor­po­rel insuffle une grande vita­lité au texte de Fran­çois Gre­maud. Le lan­gage théâ­tral n’est plus dés­in­carné. Il est mis en danse, mis en corps.
Il est aussi insé­pa­rable de la musique, comme l’exprime Fran­çois Gre­maud dans un entre­tien avec Vic­tor Rous­sel : « J’ai fait l’exercice d’écrire sur le rythme de la musique, et donc de faire dan­ser la langue », d’autant plus que la par­ti­tion d’Adam a été retra­vaillée par le com­po­si­teur contem­po­rain Lucas Anti­gnani pour quatre ins­tru­ments (harpe, vio­lon, saxo­phone et flûte tra­ver­sière). La pré­sence du saxo­phone - d’une audace réus­sie - donne à la musique clas­sique des accents modern jazz à par­tir des­quels s’exprime le corps en liberté de Saman­tha van Wissen.

Même si la dan­seuse en paro­die cer­tains aspects sur­an­nés, son tra­vail dégage dès lors un amour de la danse et de son lan­gage cho­ré­gra­phique pro­pice à expri­mer l’amour, la beauté, la mort… si bien qu’à la fin du spec­tacle ne reste que l’envie d’aller vision­ner une cap­ta­tion du bal­let Giselle lui-même.

clara cos­sutta 

Giselle…

Concep­tion et mise en scène Fran­çois Gre­maud ; inter­pré­ta­tion Saman­tha van Wis­sen ; musi­cien et musi­ciennes (en alter­nance) Anas­ta­siia Lin­de­berg, Loren­tiù Stoian (vio­lon) ; Tja­sha Gaf­ner, Anto­nella de Franco (harpe), Héléna Mache­rel, Irène Poma (flûte), Sara Zazo Romero (saxophone).

@ Doro­thée Thé­bert Filliger

Texte Fran­çois Gre­maud d’après Théo­phile Gau­tier et Jules-Henri Ver­noy de Saint-Georges ;cho­ré­gra­phie Saman­tha van Wis­sen d’après Jean Coralli et Jules Per­rot ;musique Luca Anti­gnani d’après Adolphe Adam ; assis­tante à la mise en scène Wanda Ber­nas­coni ; créa­tion son Bart Aga ;direc­tion tech­nique et créa­tion lumière Sté­phane Gat­toni (Zinzoline).

Au Théâtre de la Bas­tille (76 Rue de la Roquette, 75011 Paris)

Du 5 au 14 jan­vier à 20h, du 17 au 24 jan­vier à 21h00, relâche les dimanches et les lun­dis 9 et 16 janvier

Durée 1h50

Puis en tournée :

26 jan­vier Scène Natio­nale 61, Alen­çon (FR)

28 — 29 jan­vier L’Azimut, Fir­min Gémier (FR)

1 — 2 février CCN Caen + Théâtre de la Renais­sance, Mon­de­ville (FR)

7 février Le Zef, Mar­seille (FR)

10 février Théâtre Chris­tian Ligier, Nîmes (FR)

24 février Kin­neks­bond — Centre Cultu­rel Mamer (LU)

28 février Le Car­reau, For­bach (FR)

4 mars Bicu­bic, Romont (CH)

5 mars Nebia, Bienne (CH)

30 mars Le Dan­cing CDCN + Théâtre Dijon Bour­gogne CDN @ Opéra de Dijon (FR)

8 — 11 juin Théâtre de Vidy-Lausanne (CH)

Pro­duc­tion 2b com­pany Copro­duc­tion Théâtre Vidy– Lau­sanne (Suisse), Théâtre Saint-Gervais — Genève (Suisse), Bon­lieu Scène natio­nale d’Annecy, Mal­raux — Scène natio­nale Cham­béry Savoie dans le cadre du pro­jet PEPS (Pla­te­forme Euro­péenne de Pro­duc­tion Scé­nique) et Théâtre de la Ville — Fes­ti­val d’Automne à Paris Sou­tien Pro­gramme PEPS de coopé­ra­tion ter­ri­to­riale euro­péenne Inter­reg, Lote­rie romande, Pro Hel­ve­tia — Fon­da­tion suisse pour la culture, Ernst Göh­ner Stif­tung, Fon­da­tion Lee­naards, Pour-cent cultu­rel Migros Vaud et Fon­da­tion suisse des artistes inter­prètes La 2b com­pany béné­fi­cie d’un contrat de confiance de la Ville de Lau­sanne et d’une conven­tion de sub­ven­tion du can­ton de Vaud Admi­nis­tra­tion, pro­duc­tion et dif­fu­sion Noé­mie Dou­tre­leau et Michaël Monney

Voir éga­le­ment au Théâtre de la Bas­tille Aller sans savoir où, de Fran­çois Gre­maud, sur le tra­vail théâ­tral à des­ti­na­tion des étudiant

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