Féru du passé de la France, Jean d’Aillon excelle à mettre en scène des événements de la petite Histoire qui ont fait la grande. Ce troisième volet des Vilénies de Charles le Mauvais, après L’Archiprêtre et la cité de Tours, La Rançon du roi (Robert Laffont — 2022), portent sur les tentatives de Charles de Navarre, comte d’Evreux, de s’emparer de l’argent de la Rançon.
Il revient sur le meurtre d’Étienne Marcel, ce prévôt des marchands qui avait pris le pouvoir à Paris, sur l’obstination de Jean le Bon.
Jean II, dit le Bon, a été fait prisonnier par son cousin Edouard III, roi d’Angleterre lors de la bataille de Poitiers en 1356. Contre la promesse de payer une énorme rançon, il est libéré après quatre ans de captivité. Mais réunir une somme équivalente à deux années de ressources du royaume est ardu. Un premier versement de cent mille florins pourrait satisfaire Edouard. Ils sont offerts par le seigneur de Milan, Galeas Visconti, contre le mariage de son fils avec une princesse française. Cependant, faire transiter une telle somme entre Milan et Paris n’est pas chose aisée.
Cette tâche est confiée à Pétrarque, le poète, et à Pietro da Sangallo, le capitaine de la milice de Florence.
Ce 2 janvier 1361, Theodoro d’Este se présente au Louvre comme l’ambassadeur de Milan et insiste pour être reçu par Jean le Bon. Il justifie sa maigre escorte par une terrible embuscade en forêt de Fontainebleau. Mais il a réussi à sauver la moitié de la somme malgré la félonie de Pétrarque et da Sangallo. Les deux coffres, ouverts, révèlent… des cailloux.
Après l’attaque, Pétrarque a continué sa route pendant que le capitaine se lançait à la poursuite des assaillants survivants pour savoir qui ils étaient et récupérer une bourse.
À Paris, le Poète se rend chez le Dauphin, le futur Charles V, et lui remet les florins sortis de sacoches et autres contenants anodins. Charles se rend chez son père et lui explique la situation. Jean, convaincu par les dires de Theodoro, ne change pas d’avis même lorsqu’il voit l’argent. Il fait arrêter da Sangallo menaçant de l’exécuter.
Les deux hommes réussissent à rétablir la vérité, non sans mal. Jean le Bon, alors, leur demande de retrouver l’assassin d’Etienne Marcel, jugeant qu’ils sont les mieux placés par leur talent de limiers, parce qu’ils sont étrangers et ne font partie d’aucune coterie. Or, de telles recherches attirent obligatoirement l’attention des responsables du crime…
Avec un récit riche en personnages, avec une palanquée de seconds rôles, le romancier conçoit un récit dense, fourmillant en données sur l’époque et en informations de toutes natures sur le quotidien des élites, qu’elles soient au pouvoir ou qu’elles le servent. Il choisit de privilégier un vocabulaire employé par ces catégories sociales qui, malgré le pittoresque de certaines expressions, reste parfaitement compréhensible. Les vêtements portés sont décrits finement et les éléments des portraits dressés pour les principaux acteurs de l’histoire sont puisés aux meilleures sources.
Plusieurs versions existent sur l’assassinat du prévôt et sur le ou les possibles assassins. Jean d’Aillon retient celle qui lui semble le plus plausible compte tenu de ce que les historiens savent de la réalité.
Avec ce nouveau livre, le romancier fait revivre avec bonheur une partie, tombée dans les oubliettes, de l’Histoire de France tout en livrant une fort belle intrigue.
serge perraud
Jean d’Aillon, Les Assassins d’Étienne Marcel – (Récits du temps de Charles V), Robert Laffont, coll. “Thrillers”, janvier 2023, 480 p. – 22,90 €.