Eternel flâneur des rives du monde — des ramblas de la Havane à ceux de Barcelone, — mais créateurs de leur au-delà surréaliste, Maurice Renoma est poursuivi par l’idée de la femme (ce qui ne fait pour autant de lui un amoureux platonique).
Au crépuscule il descend de son appartement ou de son hôtel, erre dans les quartiers interlopes à la recherche du rythme des courbes et des creux de silhouettes féminines même si souvent elles se cachent sous un manteau noir. L’artiste subodore à juste titre que dessous il existe une robe étroite et courte. Et au-delà, une nudité — promise ou non.
Au besoin le photographe, l’invente mais en sachant la cacher comme si l’aveuglement risquait d’être trop fort. Mais quand les poses de la femme ne suffisent pas, c’est lui qui détourne de manière brute au numérique les données immédiates de celles qui montent des escaliers, ne sont insensibles ni aux bars de nuit, ni aux églises.
Elles aiment les lieux où l’on se glisse et se cache. Elles aiment les grands miroirs. Renoma leur en propose en galopin toujours vert, en artiste confirmé.
Il sait suggérer un souffle sur une nuque ou juste sur les reins avant qu’une croupe se scinde. De telles femmes n’auraient qu’un geste à faire pour tirer des diables par leur queue. Mais qu’en feraient-elles ?
Renoma se garde de répondre. Mieux : il les tire hors du temps et du réel pour leur accorder une éternité provisoire. Avec gravité ou humour la photo promet et promeut ce que jours et les nuits dissipent dans leurs courses impitoyables.
jean-paul gavard-perret
Maurice Renoma, Anamorphoses, Appart. Renoma, Paris, 2022.