Des voix pour subvertir la persécution des femmes
Ce sont quelques notes de musique électroacoustique qui amènent la musicienne à entonner un chant dramatique aux accents mystiques. La lecture commence par une mise en perspective historique qui rappelle le contexte de la chasse aux sorcières, celle qui fut menée, de vrai à partir du XVème siècle, massacre de masse accompagné de son cortège d’ordalies et d’épreuves de piqures, véritables tortures institutionnalisées contre un sexe ou plutôt contre ses écarts à la norme, toujours interprétés comme subversifs.
La postérité de cette répression collective à grande échelle est l’inhibition intériorisée, pérennisée et consacrée par une société dont les interdits et les prescriptions perpétuent les inégalités de genre. L’écriture de Mona Cholet conjoint avec légèreté et facétie la sociologie, l’histoire, l’anecdote et l’analyse critique.
Le spectacle tient ses promesses, au demeurant modestes : il ne s’agit que de mettre en valeur l’essai Sorcières, la puissance invaincue des femmes (La Découverte, 2018). On assiste à une lecture manifeste vécue comme telle par un public sans doute un peu trop militant pour être vigilant, au cours de laquelle les intervenantes prennent leur place en composant librement une attitude face au public, portant la trace d’échanges vivants sur scène.
Les discours sont entrecoupés de chansons, de mélodies, de breaks de batterie délicats ou violents, afin de rythmer le propos, qui se plaît à dénoncer le diktat de l’éternelle jeunesse, le devoir de la maternité, l’interdit de la maturité assumée qui sont invariablement imposés aux femmes.
Manifestement, l’intention du collectif est de donner à entendre le texte dans son caractère expérimental, écriture en construction, pour en préserver le côté spontané, ou brouillon, selon que.
De là l’alternance des comédiennes ; de là la liberté qui leur est laissée de lire ou de jouer, de là la juxtaposition de fragments, comme une performance en permanence réinvestie.
christophe giolito
Sorcières
d’après Mona Chollet
Adaptation Géraldine Sarratia, pour quatre comédiennes, une batteuse et une chanteuse
Comédiennes et musiciennes en alternance :
Lucie Antunes, Ariane Ascaride, Aure Atika, Suzanne de Baecque, Jennifer Decker, Constance Dollé, Valérie Donzelli, Claire Dumas, Marie-Sophie Ferdane, Fishbach, Franky Gogo, Eyé Haïdara, Clotilde Hesme, Irène Jacob, Melissa Laveaux, Annabelle Lengronne, Garance Marillier, Christiane Millet, Anna Mouglalis, Florence Muller, Anne Pacéo, Léonie Pernet, P.R2B, Grace Seri, Yoa, Clara Ysé.
Adaptation Géraldine Sarratia, d’après Mona Chollet Sorcières, la puissance invaincue des femmes, La Découverte / Éditions Zones, 2018 ; direction artistique et mise en scène Collectif À définir dans un futur proche (Élodie Demey, Mélissa Phulpin et Géraldine Sarratia) ; assistante mise en scène Candice Gatticchi ; coordination musicale Léonie Pernet, lumières Robin Laporte ; stylisme Laëtitia Leporcq ; artwork Dune Lunel ; Photo Smith, « Spectrographies », 2012 ; production DJH – l’autre.
Au Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin, 75018 Paris
01 46 06 49 24 https://www.theatre-atelier.com/event/sorcieres/2022–09-27/
Du 27 septembre au 9 novembre 2022, les mardis et mercredis à 19h, représentation supplémentaire le jeudi 3 novembre à 19h.
Reprise les 10, 11, 13, 14 janvier 2023, mardi, mercredi et vendredi à 19h, samedi à 21h.
© Julien Mignot