Aimer, yeux fermés, yeux ouverts pendant vingt ans implique et par un si long temps un principe d’incertitude.
Moins dans le marivaudage des sentiments que par les silences auxquels se confrontent les deux particules élémentaires d’un couple jusqu’au moment où “la vie se fait animal” - sachant qu’après, néanmoins, des choses pourraient se passer puisqu’il fera encore jour et amour.
Avant ce moment, l’auteure explore des zones de séparation. Parfois tout semble se déliter, parfois la bouche revient. Et le livre devient une sorte de journal intimes d’allées et venues. La femme s’en rend parfois malade — bien plus que son compagnon.
C’est le lot d’une vie troublante semblable à bien d’autres, entre désir de liberté, pour laquelle et pour la prisonnière volontaire existe bien peu de marges. Toutefois, il s’agit d’être soi avec l’autre mais dans un certain brouillage au sein de l’usure du temps. Même si les deux amants se sont éloignés pour en éviter l’effet.
Reste que préserver son altérité dans l’autre n’est pas simple. Une séparation fait espérer la proximité. Mais souvent tout semble coupé entre les animaux humains qui refusent d’être des bêtes de somme rivées à leur brancard. Cependant, le chemin est âpre et le style saccadé du récit le souligne.
Il ne cesse de faire basculer d’un pôle à l’autre sans toutefois que le trop glacial ou le trop brûlant s’immiscent entre ce qui lâche et retient le “renard”. Promeneur trop curieux et primesautier aux yeux de sa compagne, il se demande parfois quelle mouche a bien pu la piquer. Elle lui adresse ses jérémiades même si, aux yeux de son homme ‚elle semble comblée. Il ne comprend pas toujours que ce n’est que d’un vide et qu’il lui faudra(it) la combler.
jean-paul gavard-perret
Elisabeth Morcellet, Duo Mi-Clos, Editions Unicité, Saint-Chéron, 96 p.- 13,00 €.