Edouard Levé, Inédits

Décli­nai­son

Edouard Levé s’est donné la mort il y a seize ans en anti­ci­pant en quelque sorte son acte dans un livre inti­tulé Sui­cide (POL, 2008).
Il y évoque la mort d’un de ses plus proches amis tout en pré­pa­rant la sienne.

Ce qui demeure le plus frap­pant tient à la mélan­co­lie sublime que dégagent ces textes épars.
Début de roman inachevé se pas­sant à Bag­dad (Flo­ride, États-Unis) où il fit des pho­to­gra­phies quelques années avant sa mort, textes dits “d’intervention”, auto­bio­gra­phies minute, mini-contes, listes de tocs, vête­ments, résu­més de films pos­sibles, phrases com­men­çant par “Pen­dant que…”, tout est orga­nisé par le res­pon­sable de cette édi­tion en sept sec­tions de “décli­nai­sons” à tous les sens du terme.

Se découvrent toutes les idées de l’auteur. Aussi bien et par exemple les 70 de son dic­tion­naire du tou­risme expé­ri­men­tal. L’auteur n’y néglige pas de refaire à l’identique les voyages “que l’on a effec­tués jadis” ou les séjours dans les hyper­mar­chés.
Appa­raît, sous l’absurde reven­di­qué, un fonc­tion­ne­ment où l’humour recouvre la dépres­sion la plus pro­fonde. L’auteur ne s’en cachait pas, comme le texte lui-même inti­tulé “Dépres­sion” le prouve en décli­nant cli­ni­que­ment et tou­jours non sans déca­lage les symp­tômes d’une telle maladie.

Selon Tho­mas Clerc, les thèmes de Levé étaient le double, le même, le neutre. Et à y regar­der de près, le pré­fa­cier et res­pon­sable d’édition a vu juste.
Le double est par­tout jusque dans les médi­ca­ments que l’auteur pre­nait : “un anxio­ly­tique pour cal­mer mon angoisse et m’aider à dor­mir, un anti­dé­pres­seur pour me don­ner envie de vivre.mais aussi dans son atti­tude : “Comme je suis drôle, on me croit heureux.”

Le livre per­met une nou­velle fois de nous bala­der avec le dis­paru dans Paris ou en pro­vince, de relire cer­tains de ses ter­cets non rete­nus pour son livre tes­ta­ment et de décou­vrir en fin d’ouvrage la liste finale : celle de ses noms et pré­noms répé­tés en de mul­tiples polices de carac­tères pour un ultime comique de répétition.

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jean-paul gavard-perret

Edouard Levé, Inédits, Édi­tion éta­blie et pré­fa­cée par Tho­mas Clerc, P.O.L, octobre 2022, 512 p. — 24,00 €.

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