Dominique Dou, Dans le Morde

Dou ose la véri­table action poétique

Domi­nique Dou a com­mencé à écrire des car­nets dès l’âge de quinze ans. Encou­ra­gée par Félix Guat­tari, elle à conti­nue d’écrire (l’hiver sur­tout si on l’en croit) en déshé­rence, sans cher­cher à publier. Puis elle découvre Lan­gages tota­li­taires de Jean-Pierre Faye : c’est pour elle une révé­la­tion. Comme l’est un peu plus tard l’œuvre d’Armand Gatti. Elle décide afin de pro­po­ser un manus­crit. Ber­nard Dumer­chez l’accepte (avec rai­son).
Les mots res­tent dans l’œuvre de l’ordre du dénue­ment. Etre dans le verbe revient à se situer en un lieu presque (le presque est impor­tant) vague. Un lieu où être se « nour­rit d’un rien ». C’est aussi « joindre quelque chose à quelque chose ». Bref, dit Domi­nique Dou encore, le lieu du poème est « la col­lure ». Il ne cherche donc pas à pen­ser mais à se situer « dans l’entre deux là où se plaignent les contraires ». S’y pénètre un sacré par­ti­cu­lier et – ajoute l’auteure — « sans y croire ». Elle place ainsi le lec­teur en dés­équi­libre puisqu’à la jonc­tion « des deux faces qui n’existent pas ».
Le séparé acca­pare les inté­rieurs de l’être et le réparé sépare l’intime de ce qui se tresse en lui de trop de tris­tesse ou de trop de grâce. Le poème jouxte le silence qu’il s’agit de per­cer d’une note, d’un mur­mure en vue du dénue­ment ou du dénoue­ment. Ce qui est un peu la même chose. Puisque l’un — sans dire lequel — est le pré­sage de l’autre « depuis les plis d’ante déluge / jusqu’aux sols lavés d’après cyclone ».

Sorti autant des mains (d’alliance mais aussi fai­seuses de marion­nettes) que de l’esprit de l’auteure, le poème devient une « petite fabrique de verre », une « cendre immo­rale » où la voix vibre crû­ment mais de manière aussi mini­male qu’étincelante. Rare­ment la poé­sie paraît aussi intense dans une soli­tude assu­mée. L’Antigone dont trop sou­vent la voix a été recou­verte — sans doute parce qu’elle disait impli­ci­te­ment son fait à tous ceux dont le désir n’est pas plus un besoin qu’un accom­plis­se­ment — donne ici une leçon d’écriture.
A l’inverse de ce « ne pas vou­loir » que cultivent les poètes fri­leux qui renoncent au saut dans l’inconnu, Domi­nique Dou en son éco­no­mie poé­tique  ose la véri­table action poé­tique. Celle-ci  n’est plus para­ly­sée par le pen­sée. D’une cer­taine manière, la poé­sie la tue afin de l’émanciper.

jean-paul gavard-perret

Domi­nique Dou, Dans le Morde, Dumer­chez, 2012, 120 p. — 17,00  €

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