En empruntant une voix masculine comme instinctivement, Abdallah a attendu pendant un an ce narrateur qui couvait en elle.
On ignorera son nom, il est angoissé, fermé et perdu tentant de tenir au loin fantômes et hallucinations, jusqu’au moment où l’annonce de la mort de la seule femme qu’il avait aimée le débloque.
Le lendemain de l’enterrement (auquel il n’a pu assister) de cette femme, dans son deuil comme dans celui de sa propre vie et de son enfance perdue, il quitte son appartement, se jette à la rue et devient un de ses invisible nommés aussi sans domicile fixe.
Ce personnage reste à la fois sombre et lumineux, déchiré et poète. En guerre avec sa mémoire, il tient ses carnets — ce qui est un paradoxe pour celui qui voudrait effacer ce qu’il a vécu ou vit.
Peu doué pour l’oubli, hanté par le bleu (du ciel et de la mer), habillé des femmes d’hier comme de maintenant, il fait de cette couleur celle de sa mémoire et du moment où son existence bascula.
Autour du cimetière du Père Lachaise, il vaque de semaines en semaines entre la poésie et la mort, hanté par des femmes au prénom en A (Maria, etc.). Peu à peu, des jours s’apprivoisent au coeur de la nuit et au-dessus des abysses.
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jean-paul gavard-perret
Dima Abdallah, Bleu Nuit, Editions Sabine Wespieser, 2022, 240 p.