Manolo Carot, La Chute de Dante

Une sul­fu­reuse quête de gloire

Un artiste, un peintre, ne peut que rêver de l’accession à la recon­nais­sance, à la gloire. Or, le génie est-il à la por­tée de tous ? Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre va se dif­fé­ren­cier d’une mul­ti­tude, émer­ger, enchan­ter et se révé­ler unique ?
Par quel che­mi­ne­ment, le créa­teur réalise-t-il cette œuvre ? Quels ingré­dients lui per­mettent de se dis­tin­guer ? Et le génie, pour s’exprimer, doit-il être confronté à des sen­ti­ments exa­cer­bés, des émo­tions extrêmes?

A
vec la pré­sente his­toire, Manolo Carot pro­pose le par­cours d’un peintre local, d’un arti­san, entraîné dans une spi­rale des­truc­trice où vont se mêler bac­cha­nales orgiaques, cultes secrets, démons et folie.
Ce par­cours est pré­texte à de nom­breuses planches pria­piques où les corps en ten­sion se fondent, se soudent, se repoussent. Mêlant emprise démo­niaque et recherche d’une per­fec­tion, le scé­na­riste excelle à décrire un par­cours vers une forme de folie.

Dante, dans son jar­din, peint le pay­sage qu’il a sous les yeux. Bea­triz, son épouse, le féli­cite, mais elle res­sent que rien ne le satis­fait. Même pas elle ! Il l’entraîne sur le lit. Alors qu’il va la péné­trer, elle le repousse car elle entend les aboie­ments de détresse de leur chienne. Celle-ci, jetée à l’eau par deux vau­riens, se noie.
Dante sauve la chienne. Dans l’eau, il a une vision et retourne peindre avant l’arrivée de Xavier, son mar­chand d’Art. Lorsque ce der­nier pénètre dans l’atelier, Dante, tou­jours nu, est sans connais­sance. Quand il reprend ses esprits, il affirme que Dieu lui a envoyé un signe. Il doit peindre du rouge, que du rouge.
Quand Judith de la Beth, une com­po­si­trice très influente, choi­sit de pas­ser un peu de temps dans le vil­lage, Xavier en fait l’invitée d’honneur de la nou­velle expo­si­tion de Dante. Celle-ci, bien que consciente de son manque de talent, per­çoit tou­te­fois des capa­ci­tés qu’il faut faire émer­ger. Elle le prend en main… pour le meilleur et pour le pire…

Avec un des­sin réa­liste, très réa­liste pour cer­taines par­ties du corps tant fémi­nin que mas­cu­lin, l’auteur pro­pose des planches en grande ten­sion. Les cou­leurs fortes, denses, mettent les corps en valeur, créent une atmo­sphère ardente.
Le che­mi­ne­ment du héros vers la folie est par­fai­te­ment rendu avec des regards hallucinés.

Manolo Carot, avec Dante et Bea­triz, fait réfé­rence à un couple autre­ment célèbre, celui de Dante Ali­ghieri, l’immense poète, et Bea­trix Por­ti­nari, celle qui fut sa muse. S’ il en fut amou­reux dès leur pre­mière ren­contre (elle a neuf ans, lui presque dix), ce n’est que neuf ans plus tard qu’ils échangent des regards. Elle meurt à vingt-quatre ans.

Avec cet album, Manolo Carot, qui assure scé­na­rio et gra­phisme, aborde et traite super­be­ment un thème pas­sion­nant, celui qui consiste à savoir jusqu’où aller pour assou­vir ses désirs, ses rêves de gloire, de pouvoir.

serge per­raud

Manolo Carot (scé­na­rio, des­sin et cou­leurs), La Chute de Dante, tra­duit par Éloïse De La Marche, Glé­nat, coll. “Porn’Pop”, mars 2022, 56 p. – 16,95 €.

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