La chambre automatique ou les histoires de fantômes
C’est à l’hôtel d’Orsay , créé en même temps que la gare en 1900, pour l’exposition universelle, désaffecté en 1972 avant de devenir le fameux musée, que tout a commencé pour Sophie Calle avant qu’elle se mette à suivre des inconnus ou les inviter à s’endormir dans sa chambre.
La future artiste va hanter le lieu pendant deux ans et investit la chambre 501 au sommet de l’immeuble.
Errante et encore perdue, l’artiste va y retrouver ses marques. Là où fut tournée Le Procès d’Orson Welles, Sophie Calle glana cahiers, menus et divers objets et messages qui 40 ans plus tard servent et organisent l’exposition avec le concours de l’archéologue, professeur émérite de protohistoire européenne Jean-Paul Demoule, membre rapporté et un rien imbu de sa science.
Mais qu’importe. Sophie Calle, de cet hôtel, crée un lieu du lieu dans un vertige de spectres plus ou moins ravagés.
Là où un fantôme des plus actifs (Oddo) devient la star de l’exposition fantomatique à travers les messages que l’artiste a recollationnés.
Le montage de documents et d’objets (manomètre par exemple) dans le musée crée une gravité rêveuse.
Calle et Demoule s’en amusent à leur manière là où le second fait preuve de tout son sérieux néanmoins jusqu’à transformer l’objet cité en ustensile capable de donner l’heure en kilogrammes…
Sophie Calle reste là fidèle à elle-même dans son passage du réel à l’art de manière sérieuse et frivole, entre mémoration et création plastique et poétique.
L’absence est toujours là mais mise à distance entre pudeur et impudeur, l’intime et une histoire anonyme partageable.
Images et mots racontent moins la vie de Calle qu’une histoire de fantômes et de labyrinthes.
jean-paul gavard-perret
- SOPHIE CALLE et son invité Jean-Paul Demoule — Les fantômes d’Orsay, Musée d’Orsay, Paris, jusqu’au 12/06/22,
- L’ascenseur occupe la 501, Actes Sud, Paris, 366 p. — 69,00 €.