Michel Houellebecq, Configuration du dernier rivage

Devant l’Achéron

On oublie trop sou­vent qu’avant deve­nir le roman­cier que l’on sait Michel Houel­le­becq com­mença son par­cours en tant que poète au sein de petites revues aujourd’hui dis­pa­rues. Son der­nier recueil est d’ailleurs le cin­quième et le plus abouti. Il prend à revers bien des idées reçues. Et jamais l’auteur n’y est meilleur que lorsqu’il tord le coup au lyrisme et à la métrique pour don­ner à lire un phrasé appa­rem­ment mais faus­se­ment nar­ra­tif.
Sous l’aspect morose reste tou­jours chez Houel­le­becq une aspi­ra­tion aussi exis­ten­tielle qu’esthétique. C’est ce qui arrime toute l’œuvre de celui qui semble moins face au der­nier mur que, comme son titre le pré­cise, « au der­nier rivage ». La dif­fé­rence est impor­tante : le rivage – ultime ou non – per­met sinon une envo­lée du moins une ouverture.

Il existe dans les textes les plus forts de Confi­gu­ra­tion un épui­se­ment de la langue pour atteindre ses limites. L’écriture va jusqu’à s’épuiser par un regard atten­tif sur ce qui ne bouge pas. Elle dit de la manière la plus ténue, la plus simple, la plus concen­trée, ce qu’il en est de nous et de nos manques sans souci de cher­cher une conso­la­tion ou une sup­plique. De vieux sou­ve­nirs passent, l’attente s’étire vers rien. Un cer­tain espoir d’amour tient encore vague­ment le corps au chaud. Puisque l’amour n’est – au moins pour le male – qu’une simple ques­tion de chair.
Le livre reste en ses diverses sec­tions un relevé indi­ciaire de nos “erreurs”. Existe une dénu­da­tion exis­ten­tielle à rebours de la plaie récur­rente du bio­gra­phique qui noie le pois­son dans l’éjaculation évè­ne­men­tielle sper­mi­cide. Le poète se débrouille avec ce qu’il a : sa honte, ses manques, ses angoisses sans pour autant se condam­ner. C’est de la pen­sée en marche. La langue la plus sèche, la plus ascé­tique la découvre et la met en mou­ve­ment dans un voyage en rond où l’auteur se pour­suit. Le rivage der­nier se couvre d’algues courtes. Elles font des impasses exis­ten­tielles des rues sous l’eau mais ne sont jamais assez courtes pour que nous puis­sions évi­ter de nous y prendre les pieds pour nous limi­ter à la folie de croire exister.

jean-paul gavard-perret

Michel Houel­le­becq, Confi­gu­ra­tion du der­nier rivage, Flam­ma­rion, 2013, 104 p. - 15,00 € .

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