En un dialogue intime et continu dans et par la peinture jaillit de l’oeuvre de Hans Schnorf quelque chose d’intangible et de durable.
Un temps, il a pensé appeler ses œuvres “irrelevant paintings” avant d’y renoncer même si une telle acception aurait évité ce qu’il déteste par-dessus tout : le bavardage. La sobriété reste la marque d’une peinture anaphorique qui conquiert davantage de réalité là où celle-ci semble disparaître.
A la recherche d’un équilibre, sa peinture joue à la fois de la force et du recul nécessaire pour la brider afin que le tableau “tienne”. L’oeuvre devient — hors de tout ce qui est superfétatoire — une histoire sans récit et un regard sans frontières. L’artiste le double aussi d’une écriture romanesque.
Hans Schnorf, Les éléments de l’inattendu — Oeuvres récentes, Galerie Turetsky, Genève, 24 février au 16 avril 2022.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Les projets de peintures ou d’écriture. La première couche de neige inattendue. Des obligations banales et quotidiennes. Dimanche à 6 heures, le premier avion.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’étais trop dans la présence pour rêver. Mais j’ai plein de rêves maintenant, c’est-à-dire des projets pas encore réalisés, comme trouver une maison d’édition pour mon dernier roman…
A quoi avez-vous renoncé ?
Continuer à explorer des endroits exotiques.
D’où venez-vous ?
De la sécurité d’une famille, plutôt bourgeoise, plutôt conservatrice, pas religieuse, avec un penchant pour l’aventure du coté de la famille de ma mère.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
La sensibilisation pour l’individualisme, la confiance dans mes choix, l’amour pour la nature.
Un petit plaisir — quotidien ou non ? Je ne fais que cela!
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
No bullshitting.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Je suis dans un berceau, je devrais faire une sieste, il y a de la musique classique (du type Mozart), et je m’ennuie terriblement.
Et votre première lecture ?
Pas ma première lecture, mais ma première passion pour un livre : Jim Knopf volume 1 et 2 de Michael Ende. Dès que j’avais fini volume 2, j’ai repris volume 1.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Pour travailler aucune, trop d’influence extérieure. Autrement plutôt du Jazz lyrique (par ex. Philippe Chrétien) et ce que ma femme appelle « la soupe ».
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Masse et Pouvoir” d’Elias Canetti. “Das Schimmern der Flügel” d’Erika Burkart. “Le Rouge et le Noir” de Stendhal. “Guerre et Paix de Tolstoi”. “Weep not Child” de Ngugi Wa Thiong’o.
Quel film vous fait pleurer ?
Je ne pleure pas devant les films, mais une petite larme s’échappe volontiers dans la scène de clef (accentuée par la musique du film) où les deux protagonistes se réunissent finalement (ou une des versions innombrables de ce thème…). Ah oui, c’est très banal.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Soit un type qui se lave les dents ou qui se rase. Parfois, un homme d’un certain âge qui essaye de rentrer son ventre.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A l’âge de vingt ans, j’aurais aimé prendre contact avec Jiddu Krishnamurti.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La nuit, un ciel étoilé, la pleine lune. Je suis un grand romantique.
Quels sont les artistes et écrivains, dont vous vous sentez le plus proche ?
Artistes : le plus proche : Hans Schnorf. Parfois proche : Cy Twombly, Ferdinand Hodler, Giorio Morandi. Mais j’admire le plus : Pieter Breughel l’aîné. Cela me rappelle, que je dois absolument retourner au Kunsthistorisches Museum à Vienne.
Écrivains : Tana French, Ken Follett (pas tout ce qu’il a fait) : des excellents artisans qui savent raconter une histoire passionnante, quelque chose que j’essaye également.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un bon repas accompagné de bon vin, en famille ou avec des amis.
Que défendez-vous ?
Ma famille. Ma liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je mets en doute cette véracité.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est nettement mieux que Lacan, mais qu’est-ce Lacan a encore dit ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quel serait le titre de votre autobiographie (qu’il n’y aura pas) ? « L’apprenti » (en Suisse Allemand : « dä Stift »).
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 13 mars 2022.
Comme JPGP Hans Schnorf est un artiste qui défend sa famille et sa liberté .