Aurélie Chenot, Colombey est une fête

Un couple d’intellectuels attachants

Le titre de cet ouvrage ren­voie avec malice au Paris du temps où Heming­way y vécut, et au vil­lage qui accueillit Eugène et Maria Jolas avant qu’un cer­tain Géné­ral ne le rende célèbre.
Par une coïn­ci­dence assez plai­sante, le couple d’intellectuels amé­ri­cains vécut à la Bois­se­rie du temps d’avant De Gaulle, et y édita tran­si­tion (sans majus­cule), l’une des meilleures revues lit­té­raires d’Europe de l’entre-deux-guerres.

P
our le lec­teur qui ignore tout de celle-ci, pré­ci­sons qu’elle publia en feuille­ton le Fin­ne­gans Wake de Joyce, ainsi qu’une pléiade de créa­teurs modernes allant d’André Gide à Ger­trude Stein, en pas­sant par Max Ernst et Mar­cel Duchamp.

L’his­toire d’Eugène Jolas est riche en sur­prises : né aux Etats-Unis d’un père fran­çais et d’une mère alle­mande, qui allaient bien­tôt ren­trer en Europe, il retourne outre-Atlantique encore ado­les­cent, sans même par­ler cor­rec­te­ment l’anglais, et trouve assez rapi­de­ment le moyen de deve­nir… jour­na­liste !
Il revient en France en 1924, en tant que membre de la rédac­tion pari­sienne du Chi­cago Tri­bune. La ren­contre avec Joyce sera l’une de celles qui feront déci­der au jour­na­liste de deve­nir éditeur.

Quant à Maria, avant de connaître Eugène, c’était une fille de bonne famille, douée pour le piano et qui rêvait de deve­nir can­ta­trice. D’après ses Mémoires, cités par Auré­lie Che­not, elle et Eugène eurent le coup de foudre et devinrent vite insé­pa­rables. A par­tir de là, la musi­cienne épau­le­rait son com­pa­gnon dans toutes ses tâches lit­té­raires.
La gale­rie d’écrivains et d’artistes célèbres qui défile à tra­vers l’ouvrage est des plus impres­sion­nantes. L’auteure les met en scène avec habi­leté, en pas­sant d’un aperçu ins­truc­tif de leurs idées à une anec­dote cocasse.

L’ami­tié du couple Jolas avec James Joyce donne lieu aux pages les plus émou­vantes de l’ouvrage. Mais Eugène et Maria appa­raissent, même en dehors de ces liens, comme des êtres émi­nem­ment tou­chants, cha­leu­reux et géné­reux.
Bien écrit, entraî­nant et riche d’informations, ce livre réjouira tous ceux qui s’intéressent à l’histoire cultu­relle du XXe siècle.

agathe de lastyns

Auré­lie Che­not, Colom­bey est une fête, Inculte, mars 2022, 189 p. – 14,90 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>