La pièce tirée du roman inachevé constitue une expression ironique de l’intellectualisme et du scientisme de l’époque
La voix appliquée d’une narratrice plante le tableau : on assiste à la rencontre trop fortuite des deux compères, qui se reconnaissent spontanément. Le duo investit la scène occupée par deux sièges, deux pupitres et deux portants. Un mobilier de fortune qui permet de dissimuler des accessoires, de changer de tonalité avec un minimum de moyens. Le registre est burlesque, légèrement fantasque ; il sied au déploiement de l’ingéniosité brouillonne et inspirée de ces deux employés typiques du second XIXe siècle. Les comédiens se montrent polyvalents, prenant en charge des bruitages, des chants qui expriment des aspects du propos sur des airs populaires, voire certaines didascalies descriptives.
La mise en scène est dynamique, le ton est soutenu et le jeu de scène efficace. Roch-Antoine Albaladejo et Philippe Blancher tiennent leur public sans le lasser un instant. Leur jeu, légèrement distant, vif et sérieux, bien que dérisoire, sied bien au propos de Flaubert. La pièce tirée du roman inachevé constitue une expression ironique de l’intellectualisme et du scientisme de l’époque. Les raisonnements sont présentés en raccourci, élaborent une philosophie à deux sous, des expériences d’apprentis, un climat d’effervescence intellectuelle et de confiance en l’esprit.
Un spectacle réussi, bien senti, qui distrait et édifie par un propos délicieusement décalé. Faisant oublier ses moyens modestes, la représentation emporte l’adhésion par son dynamisme léger et son rythme soutenu.
Christophe Giolito
Bouvard et Pécuchet
Comédie d’après l’œuvre de Flaubert
Adaptation et mise en scène de Vincent Colin
avec Philippe Blancher et Roch-Antoine Albaladejo
Lumière : Alexandre Dujardin
Création sonore : Thierry Berthomeu
Au théâtre Le Lucernaire, 53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris
Réservations 01 45 44 57 34
http://www.lucernaire.fr/beta1/index.php?option=com_content&task=view&id=1163&Itemid=54
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, du 20 février au 14 avril 2013.
Production espace Jean Legendre, scène nationale de l’Oise et Compagnie Vincent Colin, en résidence au Lucernaire.
Durée : 1h environ.