L’essentiel des racines de l’art
Ce printemps, Mylène Besson propose d’une part une rétrospective autour de ses livres d’artistes (1986 — 2021) et d’autre part ses nouveaux dessins en écho à celui (immense) des ouvriers de sa “Manifestation silencieuse”.
Dans la première exposition, elle réunit plus de 160 livres d’artiste qui retracent plus de trente ans de travail. S’y retrouvent de nombreux poètes et non des moindres. Parmi eux : Daniel Leuwers, Vahé Godel, Fernando Arrabal, Joël Bastard, Pierre Bourgeade, Arrabal, Bernard Noël et bien sûr Michel Butor avec qui Mylène Besson réalisa 35 ouvrages entre 1996 et 2016.
Dans la seconde et sortis de diverses époques et remixés par le « crayon » de Mylène Besson, les prolétaires nous font face et nous interrogent. La confrontation est étrange : ce flot humain semble à la fois proche et lointain. Il nous prend de court et laisse nos questions sans réponse.
Reste un rayonnement sourd : il efface les pensées de néant même si certaines images, bases de l’œuvre, appartiennent à un monde qui n’est plus. C’est néanmoins une manière d’introduire non à l’origine mais à l’enfance d’un monde désormais en partie révolu. Il y avait là un désir d’exister là où pourtant il était contrarié.
Mais demeure une superbe dignité. Mylène Besson nous en approche encore plus par les différents portraits d’un tel ensemble.
Dans ces deux expositions demeure l’essentiel des racines de l’art. Pour Mylène Besson, “avant d’être de la matière assemblée sur un support, une peinture, un dessin, c’est de la vie.” Et la créatrice le porte en elle : “c’est le flux qui me pénètre, l’indéfinissable des affects. C’est du noir, du désir. ” ajoute-t-elle.
Le souffle est là. Le corps est aussi, toujours prêt à éclore pour le vertige lorsque lui est accordé cette possibilité.
D’une exposition à l’autre cohabitent désert, blessure, fatigue mais aussi horizon, lèvres, estuaire, fièvre et le blanc gel qui se transforme en rosée.
Bref, ce qui conduit à la nuit ou à l’inverse ce qui fait lever le jour.
jean-paul gavard-perret
Mylène Besson,
- En complicités, Manoir des livres de Lucinges (74) Archipel Butor, du 12 mars au 18 juin 2022,
– Tisseuses-Tisseurs, de Roubaix au Bas-Dauphiné, Musée du tisserand à La Bâtie-Montgascon (38), du 30 mars au 31 juillet 2022,