Philip Roth, Romans et récits (1979 –1991)

Entre fan­tasmes et souvenirs

Dans le moment de l’oeuvre que recouvre ce volume, les choses changent. Ou, sinon les choses, du moins les noms des héros.
Zucker­man demeure mais d’autres doubles jaillissent. Avec moins d’ambiguïté puisqu’ils se nomment Phi­lip ou Phi­lip Roth.

Le roman­cier mixe de plus en plus près la fic­tion et le réel. Il décline un uni­vers inédit par le mariage des domaines de la lutte ou de l’investigation. Le tout dans un mélange d’humour et de noir­ceur, entre tra­gé­die et légè­reté, poé­sie et poli­tique, lit­té­ra­ture et exer­cice intel­li­gent d’idiotie.
L’angoisse est rem­pla­cée par une forme d’insouciance. Et Roth met à mal les attri­buts et les pré­bendes de la pré­ten­due puis­sance mas­cu­line même si elle fait feu des femmes qui deviennent objets de chasse — dans Trom­pe­rie par exemple.

L’auteur ne cesse de secouer les idées reçues par cette immense revue de détails. Il reste une maître des céré­mo­nies enjouées de jambes en l’air par­fois plus aus­tères qu’il n’y parait même si l’humour col­mate bien des brèches, là où l’imagination sert de scal­pel au réel de Newark et les héros de doubles pour les démons de Roth.
Cette série de romans lui offre l’occasion d’exposer les méta­mor­phoses de la sub­jec­ti­vité, entre autres à des moments-clefs de la car­rière de Zucker­man -  avec L’Écrivain fan­tôme ou Zucker­man déli­vré. Après un temps passé sous silence, ce der­nier réap­pa­raît dans le laby­rinthe de La Contre­vie qui repré­sente la réplique abso­lue au post­mo­der­nisme amé­ri­cain incarné par Tho­mas Pynchon.

Entre faits et fic­tions, tout se trouble. Entre fan­tasmes et sou­ve­nirs aussi. Roth les retra­vaille au scal­pel plus qu’au cou­teau de bou­cher.
La parenté entre ces oeuvres — et au delà de leur diver­sité — invite à voir chaque pièce comme un mor­ceau d’un puzzle ou une ver­sion dif­frac­tée et incom­plète de l’auteur et de ses doubles.

Les uns et les autres ne peuvent s’approcher qu’obliquement.
Chaque roman est donc un essai mais jamais un abou­tis­se­ment final, achevé.

jean-paul gavard-perret

Phi­lip Roth, Romans et récits (1979 –1991), trad. de l’anglais (États-Unis) par Mirèse Akar, Jean-Pierre Carasso, Josée Kamoun, Mau­rice Ram­baud & Henri Robillot et révisé par Auré­lie Guillain & Phi­lippe Jaworski. Édi­tion publiée sous la direc­tion de Phi­lippe Jaworski, Gal­li­mard collec­tion Biblio­thèque de la Pléiade (n° 663), 2022, 1584 p. — 69,00 €.

Leave a Comment

Filed under Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>