L udovic Perrin sublime son talent journalistique pour évoquer de manière abrupte la vie de Ferré, la perte dont elle dessine le lieu et qui différencie le travail du deuil et celui de la mélancolie. Emane dans cette « coucherie » non seulement ce que Ferré abandonna. Se découvre surtout comment son être se creusa, se mangea du dedans mais dans la volonté de s’accrocher à l’existence. Ecrire et chanter furent pour lui un moyen de n’être plus un enfant mais un père. Certes, avant même et après la parole, au début comme à la fin, il y a eu la femme. Et il y eut les singes : eux aussi eurent de l’affection à donner.
Perrin montre que depuis la prime enfance Ferré vécut un espace-temps constitué par plus de clôtures que de naissances. Le poète resta sensible à tout : à la misère et la révolte qu’elle doit susciter comme à la hantise de l’air de Toscane, ses coloris, sa poussière, sa diaphanéité. Mais demeuraient les perles des larmes sur les branches noires des cyprès. Sans cesse elles ont glissé vers le tronc des heures du créateur.
Le livre s’écarte des panacées de la biographie traditionnelle. Il n’est en rien un ramassis d’anecdotes. Perrin préfère vagabonder dans les plis du cœur, les déchirures de l’âme, le paquet de nerfs de Ferré sans prétendre donner des clés explicatives. C’est pourquoi le sens qu’il accorde au « moindre » repéré dans l’existence prend quelque chose de « religieux ». Ecrire revient à affronter les jours et les nuits du poète, à exprimer ses errances, ses froissements volcaniques sans s’attendrir outre mesure et loin de l’idéalisme biographique qui a parfois donné un faux portrait de Ferré en Narcisse mélancolique.
Ni espace de la déposition ni hagiographie, On couche toujours avec les morts propose une autre vision de l’artiste entre sa capacité de mouvements, ses processus nomades mais aussi ses points de fixation. Perrin ne triche pas : il sait que le seuil de l’intimité est infranchissable. Il ne peut qu’hypostasier sur ses gouffres et leurs innommables en des mots qui restent blancs lorsque les couleurs sont superfétatoires.
jean-paul gavard-perret
Ludovic Perrin, On couche toujours avec les morts — La remontée du fleuve de l’enfant Ferré, coll. Hors série Litterature, Gallimard, Paris, 2013
Félicitations au tonton de SACHA
J’ai hâte de me plonger dans cette aventure.
Cordialement
MAMICERYSE