« Mina Loy, si elle n’est pas la Femme Moderne, qui le serait ? » écrivit le New York Evening dès 1917.
Peintre, poète, auteur dramatique, l’Italienne est déjà à cette époque au cœur de l’avant-garde auprès des Futuristes (Marinetti et Papini). Dans les années 20 et 30, elle connaît le Tout-Paris artistique. Arthur Cravan bientôt disparu restera son amour improbable, impossible et sublime.
Ecartelée entre compassion profonde et lucidité satirique, elle créa une oeuvre bien en avance sur son temps.
L’anticipation de la pensée nourrit ses analyses chargées d’émotion au moment où elle cultive la communion et le retrait, la douleur et le sarcasme.
Mina Loy créa une dissection de l’être comme de la société. Mais ses avancées demeurent méconnues. La créatrice a pris pourtant à bras-le-corps les avant-gardes pour inventer une expérience d’être-au-monde.
Mais il est vrai qu’elle s’effaça peu à peu de la vie publique à partir de 1936 à New York puis à Aspen, Colorado, en 1953, en doutant de la portée pourtant supérieure de son œuvre.
Elle y reste radicalement subversive, résolument utopiste, foncièrement amusée, non sans un sens de l’humour absurde, lequel souligne l’importance de ses écrits.
Les textes traduits ici furent tous écrits entre 1914 et 1919 ; certains furent publiés, d’autres restèrent inédits dont Le Manifeste féministe qu’elle décrit comme “le commencement brut d’une re-substantivation absolue de la question féministe”.
Et la créatrice d’ajouter : “Femmes si vous souhaitez vous accomplir, toutes vos illusions domestiques doivent être démasquées — les mensonges des siècles sont à congédier — Êtes-vous préparées à cet arrachement ? Il n’y a pas de demi-mesure”. C’est ainsi que les femmes ne doivent pas s’adapter aux stimuli masculins mais doivent renoncer à chercher dans l’homme comment découvrir ce qu’elles ne sont “théoriquement” pas.
Et de préciser : ” cherchez au-dedans de vous-mêmes pour découvrir ce que vous êtes”.
Comme l’écrit Olivier Apert, “elle traverse son temps par déphasages, anachronismes, scandales et étreintes. Dans un corps de femme qui n’ignore pas que la chair a dans son principe quelque chose de cannibale.“
Et cela à une époque où les deux seules postures qu’accordent les hommes aux femmes sont le parasitisme ou la prostitution.
L’auteure réclamait donc une guerre frontale et il demeure étrange qu’une telle radicalité ait été tant étouffée.
Les féministes la citent rarement comme si elles voyaient en un tel jusqu’au-boutisme ce qui pouvait entraver leur lutte. Voire…
jean-paul gavard-perret
Mina Loy, Manifeste féministe et écrits modernistes, traduction et préface d’Olivier Apert, postface de Liliane Giraudon, éditions Nous, Paris, 2022, 80 p. — 10,00 €.
« la reine de Hollywood » durant les années 1930 fut à cette époque un modèle . Elle réussissait une carrière sans pour autant ignorer l’esclavage féminin . Celle dont l’intelligence plaisait tant à Spencer Tracy évolua vers un féminisme qui méprisait le ” parasitisme conjugal ” et se tourna vers l’ONU . Mais il était trop tôt pour suivre son conseil éclairé ” cherchez au-dedans de vous-mêmes pour découvrir ce que vous êtes”.
JPGP dénonce , en sus , une radicalité qui freina la réalité visionnaire de Mina Loy .
Addenda . Excuses sollicitées . Confusion entre Myrna Loy actrice américaine et Mina Loy poétesse anglaise .