Le surgissement de la bête
Plombier des joints de compassion, sergent des serre-gens, il ne cesse de donner quelques échantillons de ses travaux en cours. De moches clés semblables à certaines duchesses anglaises perforent les poches de sa gabardine de gars badin. Sans qu’il le sache, il existe en lui du Badiou qui rate la Grande Marche en ses mao tsé tongs là où des sanguines errent font de lui l’impulseur de pensées à coup de tours de vices.
Mais notre héros n’est pas plus de descendants de FFI que des tondeurs de gamines qui offrirent aux rieurs de quoi cracher leur peur. Il n’a rien d’un mille y tend, ne porte ni canadienne, béret ou la moindre tenue de Résistant. Il fait ce qu’il peut avec pour toute arme un petit couteau pliant, au bout prudemment arrondi, reçu par un grand-père le jour de ces quatre ans. Parfois buveur sans parcimonie avec le trivial ou le sublime, il laisse affleurer le grotesque sans trop de mauvais goût et sait reconnaître les pauvres en esprit et les coincés du bulbe sans jamais prétendre assurer que le royaume des cieux leur appartient.
Il y a là selon lui à peine de la place pour deux. Si bien qu’avec Saint François d’Assise et le Salésien tout est complet. Bref, la messe est dite. Ce qui ne l’empêche pas le dimanche à l’église de s’avancer en une marche aussi ridicule que grandiose dans une virginité scénique.
Le voici toujours ravivé, ravinant et non sans ignorer que nous ne sommes équipés d’un logiciel qu’aucun ordinateur ne voudrait accepter. Le nôtre est sans la moindre précision, suppose des suites de départs ratés, des halètements de pensées des suites de cassis ou de dos d’âne bâté, d’irruptions de refrains idiots ou de ruminations surjouées. Sans compter des articulations surprenantes aux liaisons dangereuses.
Mais lorsque tout ça saute, la seule conclusion qui lui vient à l’esprit demeure : “c’est le métier qui rentre”. Il en n’est moins brave pour autant.
Comme on dit d’une actrice à la mode : “c’est une belle personne”. Personne est le mot. Vu les cires constances où l’entre-deux l’emporte. D’allure stylistique enjoué, fond en lui un mouvement chaloupé de chutes de phrases brisées quoique en phrasés — sinon emphatiques — du moins enrobés. Il reste fondu enchaîné aux imprévisibles articulations et écarts de conduite qui le cas échéant peuvent ouvrir au surgissement de la bête. Car comme vous le savez, il faut que le corps exulte. Ses poussées déboulent à chaque fois comme à bâtons rompus.
Elles le transforment en lubrique voyou et obscène coincoin. D’autant qu’avec les femmes il ne fait pas de tri, ne joue jamais le raffiné et opte facilement pour une plus âgée que lui qui s’est égosillée pour lui plaire. Précisons que — la chose faite, entendez là plus que le nécessaire — il la salue toujours d’un intime “ite”. Pour un temps, il oublie son futur fretin. Mais très vite et pour son bien il y revient, aimant dans ce cas le prochain plus qu’il ne s’aime lui-même. A savoir sans des pincettes sur le nez.
D’aucuns diront qu’il y a trop de testicule dans un tel portrait. Mais c’est qu’il en existe autant voire plus dans nos pensées les plus sublimes. Saints et saintes elles-mêmes n’en sont pas dénuées. D’où toute leur activité de collage de rustines sur la chambre à air de leur destinée. Pour sa part, il se contente de peu mais reste vissé au brancard d’avenantes cuicuisses même de viande molle mais qui durcissent sous l’effet de certaines vocations et propensions dès que, cœur battant, l’envie ou la passion sont bonnes conseillères.
Il s’en fait l’apôtre ou le quasi saint, mais selon une post-modernité en version laïque. D’autant que de l’ascèse il ignore même le nom, pieds rivés à tout sauf aux cale-pieds de la contrition. Et ce, pour écrabouiller les corps de la tentation et les projections qu’il promet d’accorder à leur destinée un temps galvanisée.
jean-paul gavard-perret