Pour que tout le monde lise Trollope !
Après les éditions de l’Herne et Fayard il y a quelques années, les éditions Autrement ont eu la bonne idée de moderniser de vieilles traductions d’Anthony Trollope, immense auteur anglais du XIXe siècle, qu’on ne présente plus même si le lecteur français ne le connaît finalement pas aussi bien que certain de ses confrères comme Dickens ou Thackeray.
Les deux œuvres récemment republiées mettent à l’honneur des personnages féminins. Miss Mackenzie, vieille fille de trente-cinq ans, devient l’objet de toutes les convoitises, notamment celles des hommes, lorsqu’elle fait un héritage conséquent. Ayant quitté Londres pour s’installer dans une petite ville où l’on doit se ranger derrière les « Stumfoldiens » ou les « Toddistes » – entendez les disciples du pasteur Stumfold et ses préceptes très stricts ou les frivoles mécréants, admirateurs de la « débauchée » Miss Todd – Miss Mackenzie se lance dans « la société des saints » alors qu’elle brûle de découvrir celle des « pécheresses ».
Rachel Ray, elle, est une jeune femme pauvre qui vit avec sa mère veuve et sa sœur, veuve aussi et particulièrement bigote. Rachel n’a jamais rien vécu quand elle rencontre Luke Rowan, jeune homme plein d’ambition et d’enthousiasme, héritier d’une brasserie, et se trouve au centre de toutes les attentions et toutes les critiques de la part des habitants souvent mal intentionnés et jaloux de sa bourgade.
Comme toujours, Trollope dépeint à merveille dans ces deux romans les travers de la société de son temps et la psychologie humaine dans ce qu’elle peut avoir de cruel et d’étriqué, la manière dont elle enferme dans un carcan particulièrement les femmes et surtout si elles sont pauvres. L’analyse est fine et les personnages constituent un catalogue de caricatures truculentes (la grenouille de bénitier, le révérend autoritariste et ambitieux, la mère de famille pressée de caser ses filles, le nobliau désargenté qui ne vit que grâce à son titre…).
Voilà pour le fond. Sur la forme, la langue est riche et la traduction modernisée rend pleinement justice à l’ironie et au talent de cet auteur bien trop méconnu en France.
Si l’on ajoute que les couvertures sont jolies et bien réussies, voilà une bonne idée de cadeau pour Noël !
agathe de lastyns
Anthony Trollope,
– Miss Mackenzie, traduit de l’anglais (GB) par Laurent Bury, Autrement, octobre 2021, 512 p. – 22,90 €.,
- Rachel Ray, traduit de l’anglais (GB) par Laurent Bury, Autrement, octobre 2021, 544 p. – 22,90 €.