Explorer les systèmes d’exploitation
Dans un jeu subtil et drôle de répétitions inauguré chaque fois par un “c’est une fille qui monte une chaîne YouTube”, les conseils pleuvent pour sortir les dénicheuses enlisées de leurs robes qui boudinent et qui veulent s’émanciper en de tels jeux de dupes.
La fonction, créant l’organe, se crée à travers l’espace du médium et pour l’auteur un “protocole d’écriture” lui permettant d’illustrer comment les nouveaux canaux peuvent transformer en bien ou surtout en mal les identités féminines incertaines.
Elles peuvent croire accéder à un mode d’expression libératoire mais il n’est tout compte fait que celui de leur exploitation par d’autres femmes. D’où ce voyage à traverses diverses filles dans un tel lieu peu connu de celui qui écrit ces lignes. Florence Andoka lui donne néanmoins envie d’explorer ces systèmes d’exploitation plus que d’exploiter les systèmes d’exploration. Le tout entre confessionnal, self-show, success-story frelatée ou dépression maniaque.
L’auteure y fait montre de toute sa verve. L’espace d’écriture se confond avec la géométrie visuelle du polyèdre. Il s’agit dans des décors et des mises en scène qui se ressemblent et qui répondent aux mêmes règles de s’exposer sous visage de figures de mode afin de répandre une image morte plus que vivante là où — sur une telle “plate” forme aux héroïnes siliconées — tout est paramétré.
Florence Andoka fait semblant d’en être addict mais elle montre comment le corps est enfermé dans YouTube, où “des mondes fragmentés fermentent et se liquéfient”. Et où au besoin, faute de mieux, les bruits sexuels sont fabriqués avec des ustensiles de cuisine en cette misère. D’où cet aéropage de faiseuses de mode comme jadis il y avait des faiseuses d’anges qui font de leurs suiveuses des recluses volontaires.
jean-paul gavard-perret
Florence Andoka, Dans ton tube, éditions Gorge Bleue, Strasbourg, 2021, 78 p. - 16,00 €.