Entre ombres vives et défuntes
Celui qui rêvait de devenir épigraphiste, polyglotte, contemplatif a fait contre mauvaise fortune bon coeur et est devenu écrivain par compensation afin d’apaiser son sentiment d’inutilité et de manque d’assise. Face à l’espace qui le stupéfie, Bourdon a trouvé sa façon de de “faire le taf”.
Et ses rares livres — qui sont des exceptions dans la littérature du temps — le prouvent.
Il y a en eux la terre du jour au-dessus du ciel de la nuit et des yeux ouverts qui regardent l’obscurité pour connaître la vraie lumière. Daniel Bourdon médite sur les hantises de l’écriture ou scrute les arcanes de son esprit en action.
Soudain, dans cet état de transition, les phrases subissent la tentation des songes mais les mots se réveillent dans un monde en latence entre le réel et le songe là où un tel texte introspectif transforme le discours en des plongées à la Borgès entre ombres vives et défuntes.
Ce qui est donné en entrant dans un tel monde fait rouler le lecteur comme une herbe aux cent têtes à travers le corps et les saisons d’un auteur qui semblent le voir passer sans le reconnaître.
Ce qui ne veut pas dire — bien au contraire — que l’écriture est un leurre tant que vibrent les anches de son limonaire.
jean-paul gavard-perret
Daniel Bourdon, L’indistinct, Illustrations de Philippe Hélénon, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2021, 56 p. — 12,00 €.