Parce qu’il est bâti avec de la lumière, entrer dans le livre de Philippe Delaveau revient à retrouver la mémoire des images de la peinture et à redécouvrir une vérité qui perdure.
C’est aussi un regard sur nous là où le poète évoque des visages et des scènes en un invisible visible et un ordre qui révèle une vérité et la beauté dans la mélodie d’un silence et les couleurs qu’il mélange.
Un soleil met ses rayons dans des flaques pour défier l’obscur. Preuve que la vraie poésie comme la vraie peinture ne représente pas le monde : elle le réinvente en faisant jaillir une présence inconnue.
Entre fulgurance et lenteur, le poète montre comment à la surface du poème se franchit la paroi qui permet au mystère de l’être de sortir de l’ombre pour atteindre quelque chose de plus grand, de plus haut comme Cézanne le fit de la montagne Sainte Victoire.
Le poème dans sa musique devient la chambre du mystère peuplée les ombres lascives, voluptueuses. Chaque temps du dire reste une aube là où des fruits de la passion voguent sans craindre rien qui trouble le silence.
Derrière la pose altière du “sombre minotaure qui renverse les beautés sur des rocs” surgit la gloire du ciel de lit des fleurs dites égarées.
De tels poèmes rendent l’existence vive et accordent aux émois picturaux d’immortels échos. La vie n’est pas ailleurs. Il y a là un peu de bleu silence du Greco mais surtout des chairs rose jusqu’au petit trépas.
Rien ne peut écailler de peur ou d’inquiétude ce qui est ainsi créé.
Peu importe le temps passé, la peinture en son mutisme rature les cendres pour laisser place à l’éternité du feu.
Nous prenons acte d’être là même si nous sommes uniquement de passage et dévolus depuis toujours à l’immobile.
jean-paul gavard-perret
Philippe Delaveau, Huit notes fluides pour le silence, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2021, 156 p.