Incarnation d’un songe
Le livre de Michel Haddi tient d’un songe qui à défaut de soigner le temps permet au désir et à la magie de durer.
Le portrait se donne à juste titre pour monde à travers les ondes qu’il émet en sa valeur de symphonie plastique.
En émerge un Centaure particulier : mi-corps, mi-apparition dans un théâtre d’ombres et de vivants, de tristesse et de gaieté.
Et si les mots n’ont jamais force de monde, la photo devient un objet tangible animé et rameute une puissance qui n’est que d’écho.
“Ma lady, milady, comtesse, comment dois-je m’adresser à vous ? Ou devrais-je vous appeler, Vittoria Marisa Schiaparelli Berenson bien sûr que non. Comme toujours, je t’appellerai darling.” écrit Michet Haddi qui à la suite d’une rencontre déjeuna avec elle au Café de Flore. La petite-fille de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli n’est pas qu’une beauté fière de son corps. Elle a passé du temps dans un ashram en Inde à pratiquer la méditation transcendantale. Et son aura tient aussi à une sorte d’ascèse.
Fasciné par celle qui fut Lady Lyndon chez Stanley Kubrick et qui illumina le “Cabaret” fr Bob Fosse et “Mort à Venise” de Visconti, il a fait de nombreuses séances photo avec elle. Et incarnant des légendes, elle en est devenue une.
Les images créent par leur révélation une insurrection et une incarnation d’un songe qui au lieu d’être creux s’élève dans le rêve. Irréductible à tout type de complaisance, l’artiste crée des portraits sublimés.
L’image décontenance d’autant que l’érotisme est poussé loin de toute distraction superfétatoire.
De l’hybridation de l’ensemble surgit une unité. Par effet de métamorphoses plus radicales que métaphoriques, les clichés restent fidèles à la réalité humaine la plus profonde d’une telle “Légende”.
jean-paul gavard-perret
Michel Haddi, The Legend Marisa Berenson, MHS Publishing, 2021, Londres — 300 £.