Dans les séries de Mauro Macchioni, le portrait comme le paysage laissent les êtres et le monde sous le sceau de l’abîme et de l’inquiétude dans un art subtil de la suggestion là où tout semble aussi proche que lointain.
Nos semblables, nos frères et nos sœurs, parfois en mal-être, sont montrés sous formes de visions surprenantes par le brouillage d’une forme d’évidence. La photographie devient le lieu de perte et de méditation dans un émoi latéral.
Le regardeur ne peut plus demeurer seulement voyeur : il est mis dans de telles “récits” en situation de jeu mais surtout de réflexion.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie d’affronter une nouvelle journée en essayant d’apprendre quelque chose de nouveau et de faire de nouvelles expériences. Outre, ce qui me fait lever le matin, c’est l’espoir de rencontrer des personnes et des situations intéressantes et d’avoir la possibilité et la chance de les photographier.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils se sont modifiées avec le temps et l’expérience.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai délibérément renoncé à une vie organisée et planifiée.
D’où venez-vous ?
Je suis né et j’ai vécu à Naples où j’ai fait des études universitaires. Après avoir terminé mes études d’anthropologie culturelle à Naples, j’ai vécu à Rome/Milan/Bologne/Londres et je vis actuellement quelques mois par an dans les îles Canaries et quelques mois en Italie, entre Naples et Rome.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
Une éducation basée sur le respect des autres et l’honnêteté.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Beaucoup de plaisir quotidien sans exagérer.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Je ne suis pas la bonne personne pour répondre. Ce que je peux dire, c’est que j’ai toujours une approche spontanée, empathique et dénuée de tout jugement critique. J’éprouve toujours une grande affection pour les sujets de mes photographies. Depuis que je suis enfant, je m’amuse à prendre des photos avec mes yeux en les fermant et en les rouvrant. J’ai toujours eu une aptitude visuelle. J’aime arrêter ce que je vois autour de moi et pour moi, cela représente la “beauté”. Aujourd’hui, en photographie, il est vraiment difficile, voire impossible, d’inventer quelque chose de nouveau. À mon avis, la seule façon d’être original et intéressant est d’essayer d’être authentique et sincère.
Je ne suis pas intéressé par les stratégies visant la popularité ou la recherche obsessionnelle de l’originalité. Pour moi, prendre des photos est un besoin, quelque chose de naturel et de spontané, et si je devais perdre la spontanéité, je pense que je perdrais mon intérêt pour la photographie. Je photographie tout ce qui me frappe et que je considère comme beau. La beauté se cache partout, il suffit de faire attention et les choses viendront tôt ou tard. La photographie est un exercice quotidien de présence d’esprit.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
En ce qui concerne les photographies, une image de William Eggleston représentant une femme allongée dans une prairie .
Et votre première lecture ?
“Papillon”.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Le Jazz.
Quel livre aimez-vous relire ?
“La route” de McCarthy.
Quel film vous fait pleurer ?
Les films d’essai introspectifs.
Quand vous vous regardez dans votre miroir qui voyez– vous ?
Un homme adulte avec beaucoup d’expériences mais aussi avec un bon côté enfantin que j’ai tendance à défendre.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Encore à quiconque.
Quel lieu à valeur de mythe pour vous ?
New York dans les années 1970.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Il y en a beaucoup et je ne peux pas les énumérer tous. Si je dois vraiment faire une sélection douloureuse, je dirais en musique Enrico Rava, un musicien de jazz autodidacte, anti-académique, extrêmement lyrique et poétique, car son approche de la musique est très similaire à ma relation avec la photographie. En peinture, je dirais Hopper, car son art est très lié à la photographie et son regard sur un certain type de solitude humaine me touche beaucoup.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un voyage.
Que défendez-vous ?
L’empathie la tolérance et le respect des autres et de la vie.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je pense que parfois, heureusement, on peut trouver des gens qui veulent l’amour que vous leur donnez.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je préfère toujours écouter la question avant de répondre.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Je ne sais pas… Je m’en pose beaucoup, même si parfois ce ne sont pas les bonnes.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 12 octobre 2021.
Merci beaucoup Jean Paul .
C’était très agréable de répondre à vos questions intéressantes.
Vos réponses , Monsieur Macchioni , sont celles d’un homme de qualité . “L’empathie la tolérance et le respect des autres et de la vie.” Le jazz ajoute un zest de sympathie perso . Bravo Mauro !
Merci beaucoup, vous êtes très gentil
Salut
Mauro
Très belle interview!