Gurshad Shaheman est né en Iran, de culture azéri(e). Depuis son enfance, il est bercé par la beauté des contes orientaux.
Dans Les Forteresses, il construit sa pièce sous la forme de trois récits de vie fondés sur ses échanges avec sa propre mère Jeyran et ses deux tantes, Shady et Hominaz.Elles lui racontent à tour de rôle, leur parcours de femmes iraniennes nées dans les années 60, étudiantes au moment de la Révolution, de 1979, révolution qui leur sera volée par les islamistes, ainsi que la longue guerre Iran-Iraq et l’exil difficile de deux d’entre elles, en France et en Allemagne. Leurs expériences forment trois chapitres Le monde à portée de main, Au gré de la routine instable et enfin à Choisir sa prison. Chapitres encadrés par un prologue (les derniers moments du règne du shah et l’enfance ) et un épilogue de fête.
Elles sortent de l’ombre en quelque sorte, à la suite du premier texte de l’auteur qui évoquait son enfance.( Pourama, Pourama aux Solitaires Intempestifs -2018). Le dispositif scénique met en lumière cette adresse au fils, au neveu, à Gurshad présent sur le plateau et qui les écoute ou plus exactement qui écoute « leur voix » par l’intermédiaire de trois comédiennes qui disent en français leur vécu.
Elles sont physiquement là pour accueillir, comme dans l’un de ces cafés du nord de Téhéran, tout ce qu’elles ont traversé : leur mariage arrangé qui tourne mal, leur condition féminine bafouée par le régime des mollahs, les horreurs de la dictature, les difficultés rencontrées et leurs désillusions en arrivant sur le sol européen et surtout leur séparation, leur éloignement
Le théâtre permet ainsi aux trois sœurs, distribution à la Tchekhov, cette co-présence, l’abolition de l’absence et la libération de la parole construite en « faux monologue » de ce que fut leur existence, maintenant qu’elles sont entrées dans la soixantaine. L’auteur, « le fils » comme il est désigné dans la liste des personnages lui, chante dans sa langue natale (l’azéri) trois chansons traditionnelles, à la fin de chaque chapitre, comme une ode au pays natal et dont la dernière porte le titre de la Forteresse. Il y a la forteresse de larmes et celle de pierres.
Mais au fond, Jeyran, la mère de l’auteur, et ses deux sœurs sont des forteresses de la vie, de l’énergie et du courage.
Le texte a été créé en août 2021 au Mucem, dans le cadre des Rencontres à l’échelle et tournera à l’étranger mais aussi en France et notamment pour deux représentations, au Centre Pompidou, les 21 et 22 janvier 2022.
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marie du crest
Gurshad Shaheman Les Forteresses, les Solitaires Intempestifs, 2021, 160 p. — 15,00 €.
En replay. France Culture Tous en scène, De l’Iran au Sahel, 6 mars 2021.