Jean-Claude Solana, Les dames de la carte du ciel

D’hier, d’aujourd’hui et de demain

Jean-Claude Solona sur­prend (agréa­ble­ment voire plus) par son “récit court fruit de hasards et de déam­bu­la­tions” dit-il.
S’y ins­crit entre autres un théâtre dys­to­pique de la ville (Tou­louse) en des réfé­rences impli­cites et sans doute for­tuites à Pérec.

L’auteur s’inscrit en faux contre le fait que ne pour­rons jamais expli­quer ou jus­ti­fier la ville. La ville est là. Elle est notre espace et le nar­ra­teur n’en a pas d’autres. Mais elle n’est pas ici de toute repos (sinon dans un lieu) tant par ce qu’elle devient que ce qui s’y passe.
Le maître du récit en devient le spec­ta­teur et la vic­time car il n’est pas le mieux placé. Dans notre époque où la parole des consul­tants prime, il n’est qu’un de ces “fur­tifs non paten­tés”, donc quan­tité négli­geable. Le silence est demandé à un tel pas­sant délétère.

Néan­moins, comme Tin­tin il ne manque pas de tou­pet. Il spé­cule même sur l’avenir de sa cité, ses pro­jets (ils ont par­fois du plomb dans l’aile). Et il reste tou­jours des lieux à visi­ter : ceux du grand repos comme l’observatoire où “les dames de la carte” seront dévouées et vouées à “repi­quer le mieux pos­sible des posi­tions d’objets célestes” tout en espé­rant se désen­cla­ver de leur posi­tion gen­rée et sociale.
L’auteur se fait adepte de divers temps : passé, pré­sent et futur se mêlent. Preuve que si chaque ville a sa mémoire, chaque ville bouge, les quar­tiers mutent for­cés par des évé­ne­ments tra­giques ou non, sti­mu­lés par une crois­sance natu­relle ou accidentelle.

Et le nar­ra­teur au milieu de ça ? Il avance, s’adapte, cherche ses repères parmi des briques qu’on dit roses. Il a grandi avec elles, a amassé des sou­ve­nirs (et conti­nue à le faire), se pro­jette dans demain, vit au jour le jour. Sans s’en rendre compte, comme si de rien n’était.
Bref, il tra­verse la ville qui elle-même le tra­verse.
Preuve que pour que Tou­louse vive, et vibre, il faut la regar­der, la pra­ti­quer, s’y entre­mê­ler, la redé­cou­vrir. Pour ne pas la subir, il faut s’en sai­sir. Et ce, au moment même où non seule­ment l’homme sans dis­tinc­tion ou qua­lité mais l’Homme au sens géné­rique du terme n’est plus un centre mais un élé­ment épars dis­joint d’un spec­tacle cos­mique ou l’autre n’est plus qu’un “alien”. Dès lors, dif­fi­cile au “je” de n’être qu’un de cet autre qui n’a rien de rimbaldien.

Toute­fois, l’auteur nous laisse au bord de ce pré­ci­pice sans cher­cher à nous y pous­ser. La langue est sub­tile, alerte, confon­dante dans la construc­tion qui a la fois perd ses fon­da­tions tout en y reve­nant.
Quoi de plus ras­su­rant à ce titre qu’un cime­tière ? Il vaut toutes les pos­si­bi­li­tés de LGV (Ligne à grande vitesse).

jean-paul gavard-perret

Jean-Claude Solana, Les dames de la carte du ciel, édi­tions Inter­stices, Tou­louse, 2021, 64 p. — 15,00 €.

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