Comme elle se meut
Quelques phrases projetées sur le rideau rappellent le contexte historique dans lequel s’inscrit la pièce : les conséquences des pillages de l’Italie du Nord à la fin de la première guerre mondiale. Une femme est reconnue à Berlin comme une héritière disparue lors du retrait de l’armée austro-hongroise. On suit, tout au long de la représentation, le parcours de cette femme qui avoue avoir perdu son identité et cherche à se reconstruire dans une vie légère et volage.
Le propos se présente donc initialement comme une enquête qui tend à ramener l’inconnue à la réalité, à son être d’avant, à la réinstaller dans le confort d’une Italie reconstruite, dans laquelle règne l’ordre mussolinien. Deux tableaux contrastés sont présentés : celui de la débauche berlinoise, vie nocturne trépidante et affriolante, celui de la campagne du Frioul, aux dispositions apprêtées et convenues.
Certes, le moment de présentation de la « scène italienne », au cours duquel sont explicités tous les enjeux immobiliers et domestiques du retour de la fille prodige, apparaît long et pesant. Mais la mise en scène dynamise le propos par des variations de décor – qu’on peut toutefois encore juger trop rares –, la projection en fond de scène d’images de Mussolini ; le jeu des acteurs, emmenés par une Chloé Réjon pétillante, engagée et épanouie, est particulièrement efficace.
Alors que les cadres familiaux et politiques sont constitués de rigides oppositions, dont on ne cesse d’attendre la résolution, Pirandello déploie une interrogation sur l’identité en mouvement, dont la fécondité procède de l’irrésolution.
Les cartes semblent se brouiller à mesure que les échanges progressent : on assiste à une investigation de notre duplicité constitutive, présentée comme plus forte que l’authenticité.
Un plaidoyer réussi en faveur de la vie de l’esprit, frêle, impuissante, mais toujours à même de se renouveler pour résister aux puissances de l’ordre et de l’argent.
christophe giolito
Comme tu me veux
de Luigi Pirandello
mise en scène et scénographie
Stéphane Braunschweig
© Juliette Parisot
avec Sharif Andoura, Cécile Coustillac, Claude Duparfait, Alain Libolt, Annie Mercier, Alexandre Pallu, Thierry Paret, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon.
Traduction française et scénographie Stéphane Braunschweig ; collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou ; collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel ; costumes Thibault Vancraenenbroeck ; lumière Marion Hewlett ; son Xavier Jacquot ; vidéo Maïa Fastinger ; archives vidéo Catherine Jivora ; coiffures/maquillages Karine Guillem Michalski ; chorégraphie Marion Lévy ; assistante à la mise en scène Clémentine Vignais ; réalisation du décor Atelier de construction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe ; production Odéon-Théâtre de l’Europe.
Au Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris,
Du 10 septembre au 9 octobre 2021, du mardi au samedi 20h, le dimanche à 15h, durée 2h.
https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2021–2022/spectacles-21–22/comme_tu_me_veux_2122
Comme tu me veux, de Luigi Pirandello, nouvelle traduction de Stéphane Braunschweig, est publié aux Solitaires Intempestifs (2021).