Comme tu me veux (Luigi Pirandello / Stéphane Braunschweig)

Comme elle se meut

Quelques phrases pro­je­tées sur le rideau rap­pellent le contexte his­to­rique dans lequel s’inscrit la pièce : les consé­quences des pillages de l’Italie du Nord à la fin de la pre­mière guerre mon­diale. Une femme est recon­nue à Ber­lin comme une héri­tière dis­pa­rue lors du retrait de l’armée austro-hongroise. On suit, tout au long de la repré­sen­ta­tion, le par­cours de cette femme qui avoue avoir perdu son iden­tité et cherche à se recons­truire dans une vie légère et volage.
Le pro­pos se pré­sente donc ini­tia­le­ment comme une enquête qui tend à rame­ner l’inconnue à la réa­lité, à son être d’avant, à la réins­tal­ler dans le confort d’une Ita­lie recons­truite, dans laquelle règne l’ordre mus­so­li­nien. Deux tableaux contras­tés sont pré­sen­tés : celui de la débauche ber­li­noise, vie noc­turne tré­pi­dante et affrio­lante, celui de la cam­pagne du Frioul, aux dis­po­si­tions apprê­tées et convenues.

Certes, le moment de pré­sen­ta­tion de la « scène ita­lienne », au cours duquel sont expli­ci­tés tous les enjeux immo­bi­liers et domes­tiques du retour de la fille pro­dige, appa­raît long et pesant. Mais la mise en scène dyna­mise le pro­pos par des varia­tions de décor – qu’on peut tou­te­fois encore juger trop rares –, la pro­jec­tion en fond de scène d’images de Mus­so­lini ; le jeu des acteurs, emme­nés par une Chloé Réjon pétillante, enga­gée et épa­nouie, est par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace.
Alors que les cadres fami­liaux et poli­tiques sont consti­tués de rigides oppo­si­tions, dont on ne cesse d’attendre la réso­lu­tion, Piran­dello déploie une inter­ro­ga­tion sur l’identité en mou­ve­ment, dont la fécon­dité pro­cède de l’irrésolution.

Les cartes semblent se brouiller à mesure que les échanges pro­gressent : on assiste à une inves­ti­ga­tion de notre dupli­cité consti­tu­tive, pré­sen­tée comme plus forte que l’authenticité.
Un plai­doyer réussi en faveur de la vie de l’esprit, frêle, impuis­sante, mais tou­jours à même de se renou­ve­ler pour résis­ter aux puis­sances de l’ordre et de l’argent.

chris­tophe giolito

Comme tu me veux

de Luigi Pirandello

mise en scène et scénographie

Sté­phane Braunschweig

© Juliette Parisot

avec Sha­rif Andoura, Cécile Cous­tillac, Claude Dupar­fait, Alain Libolt, Annie Mer­cier, Alexandre Pallu, Thierry Paret, Pier­ric Pla­thier, Lamya Regra­gui Muzio, Chloé Réjon.

Tra­duc­tion fran­çaise et scé­no­gra­phie Sté­phane Braun­sch­weig ; col­la­bo­ra­tion artis­tique Anne-Françoise Ben­ha­mou ; col­la­bo­ra­tion à la scé­no­gra­phie Alexandre de Dar­del ; cos­tumes Thi­bault Van­crae­nen­broeck ; lumière Marion Hew­lett ; son Xavier Jac­quot ; vidéo Maïa Fas­tin­ger ; archives vidéo Cathe­rine Jivora ; coiffures/maquillages Karine Guillem Michalski ; cho­ré­gra­phie Marion Lévy ; assis­tante à la mise en scène Clé­men­tine Vignais ; réa­li­sa­tion du décor Ate­lier de construc­tion de l’Odéon-Théâtre de l’Europe ; pro­duc­tion Odéon-Théâtre de l’Europe.

 

Au Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris,

Du 10 sep­tembre au 9 octobre 2021, du mardi au samedi 20h, le dimanche à 15h, durée 2h.

https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2021–2022/spectacles-21–22/comme_tu_me_veux_2122

 

Comme tu me veux, de Luigi Piran­dello, nou­velle tra­duc­tion de Sté­phane Braun­sch­weig, est publié aux Soli­taires Intem­pes­tifs (2021).

 

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